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L’épargne éthique peut-elle être souveraine ?, par Jean-Pierre Thomas, Président du Cercle de l’Épargne

Les éditos du Président 11 juin 2025

Selon une enquête réalisée par l’Autorité des marchés financiers (AMF) en 2023, 66 % des Français se déclaraient concernés par les enjeux du développement durable. Plus de la moitié (54 %) affirmaient que ces considérations orientaient leurs choix en matière d’épargne.

Pourtant, le passage à l’acte demeure limité : moins d’un Français sur cinq détient un placement vert dans son patrimoine. Et ce, alors même que l’offre s’est considérablement étoffée ces dernières années. En 2024, selon l’AMF, les encours relevant de l’investissement socialement responsable (ISR) ont atteint 634 milliards d’euros, soit environ 55 % de l’encours total des fonds ouverts commercialisés en France. L’écart de rendement avec les fonds traditionnels, autrefois significatif, s’est par ailleurs largement réduit.

Plusieurs dynamiques récentes contribuent à redéfinir le périmètre de ce que l’on entend par « épargne éthique ». D’une part, la légitimité de certains labels est remise en question : accusations de greenwashing, critères ESG jugés trop laxistes, manque de transparence sur la composition des portefeuilles… Ces critiques ont eu un impact tangible : selon Morningstar, la collecte nette des fonds ESG a diminué de 3,2 % en 2024. D’autre part, les épargnants sont confrontés à des injonctions contradictoires. Avec le revirement stratégique des États-Unis et l’intensification des tensions géopolitiques, plusieurs pays européens ont décidé, début 2025, d’accroître leur effort de défense, en s’appuyant notamment sur l’épargne privée pour financer cette montée en puissance.

Dans cette perspective, un fléchage des capitaux vers des secteurs stratégiques – défense, semi-conducteurs, nucléaire – jusqu’ici marginalisés dans les grilles ESG, est désormais assumé. En mars 2025, la France a ainsi officialisé la création d’un véhicule de placement dédié au soutien de la base industrielle et technologique de défense (BITD), accessible aussi bien aux investisseurs institutionnels qu’au grand public via des contrats d’assurance vie multisupports. Parallèlement, Bercy planche sur une extension du label « Relance » vers un futur label « Souveraineté », qui intégrerait des entreprises de cybersécurité, d’électronique de défense ou d’industries critiques mobilisant terres rares, batteries ou composants optiques.

Les critères ESG sont-ils incompatibles avec les impératifs de résilience stratégique ? Faut-il redéfinir ces critères pour éviter l’exclusion de secteurs décisifs à la sécurité nationale ? L’AMF s’est saisie de la question en lançant, en avril dernier, une consultation sur l’intégration des objectifs de sécurité économique dans les critères d’investissement durable. Une réforme du label ISR est envisagée pour l’automne 2025, avec pour objectif de reconnaître les dimensions « extra-environnementales » comme la défense de la démocratie, l’indépendance technologique ou la cohésion nationale, au même titre que la transition climatique ou la préservation de la biodiversité.

L’éthique ne disparaît pas, elle se transforme. Moins restrictive, plus englobante, elle tend à réconcilier durabilité et souveraineté. Cette évolution constitue une opportunité pour les épargnants, qui pourront accéder à des placements à la fois plus diversifiés, plus alignés avec les enjeux contemporains, et potentiellement plus performants. Si le triptyque traditionnel de l’investissement – sécurité, liquidité, rendement – auquel il faut ajouter la liberté, reste central, choisir, investir arbitrer en fonction de ses objectifs personnels demeure pour la grande majorité des épargnants un droit légitime.

Jean-Pierre Thomas

Président du Cercle de l’Épargne

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