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L’épargne de la peur

Epargne 8 mai 2025

Au mois de mars, la consommation des ménages en biens est retombée à son niveau de 2014, enregistrant une baisse de 1 %. Les ménages continuent de privilégier l’épargne. Les incertitudes, tant nationales qu’internationales, incitent les Français à la prudence. La désinflation n’a pas permis, pour le moment, d’apaiser leurs craintes.

En 2024, le taux d’épargne s’est élevé à 18,2 % du revenu disponible brut (INSEE), dépassant de plus de trois points le niveau d’avant la crise sanitaire (14,6 % en 2019), signe d’une prudence persistante. Quels sont les facteurs qui peuvent expliquer ce comportement ?

Une série de crises internationales

La succession de chocs depuis 2020 a conduit à une augmentation de l’épargne, un phénomène particulièrement marqué en France et en Allemagne. L’épidémie de Covid-19 a porté le taux d’épargne en France à plus de 27 % au cours du deuxième trimestre 2020. Si, avec la fin des confinements, ce taux a logiquement diminué, il n’est jamais revenu à son niveau d’origine. La guerre en Ukraine, la vague inflationniste, le conflit au Moyen-Orient et le retour de Donald Trump sur la scène politique sont autant d’événements qui incitent les ménages à épargner davantage. Les craintes d’un ralentissement économique marqué, en lien avec la politique commerciale américaine, devraient les pousser à adopter une nouvelle fois une posture de prudence.

Si les mesures protectionnistes initialement annoncées par Donald Trump étaient mises en œuvre, le PIB de la France pourrait stagner, voire reculer au second semestre 2025. Le taux d’épargne pourrait alors rester proche de 18 % du revenu disponible brut.

La France en pleine crise politique

Depuis une quarantaine d’années, la vie politique avait peu d’incidence sur le comportement économique des ménages. L’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin dernier, suivie de résultats inédits aux élections législatives, a plongé la France dans une crise politique sans précédent depuis 1958. Face à cette situation nouvelle, les ménages ont réduit leurs dépenses, entraînant une légère hausse du taux d’épargne après le mois de juin.

La peur de la hausse des impôts : l’effet Ricardo-Barro

Les annonces récurrentes sur la nécessité d’assainir les finances publiques suscitent de l’inquiétude. Traditionnellement, les ménages anticipent qu’une hausse des impôts est inévitable. Ce phénomène, connu sous le nom d’effet Ricardo-Barro — du nom des économistes qui l’ont théorisé — repose sur l’idée que les déficits publics d’aujourd’hui se traduiront par des impôts futurs. Par conséquent, au lieu de consommer les gains issus d’une baisse d’impôt ou d’un soutien budgétaire, les ménages préfèrent épargner pour se prémunir contre cette hausse future.

Cet effet est renforcé par un niveau élevé d’inquiétude face à l’état des finances publiques. Selon une enquête de BPCE réalisée en 2025, 70 % des Français se disent préoccupés par la progression de la dette publique, et 83 % craignent une augmentation des prélèvements obligatoires.

La crainte récurrente du pouvoir d’achat à la retraite

Près de trois quarts des Français se déclarent inquiets, selon les études du CECOP et de l’IFOP pour le Cercle de l’Épargne, quant à l’évolution de leur niveau de vie à la retraite. Plus d’un Français sur deux affirme épargner en vue de cette période. La retraite, au même titre que la précaution, constitue l’une des principales motivations de l’épargne. Les débats sur la réforme du système par répartition et son financement renforcent cette anxiété et incitent les Français à privilégier les produits de capitalisation.

Le vieillissement démographique : un facteur paradoxal d’épargne

Les économistes ont longtemps estimé que le vieillissement démographique devait entraîner une baisse du taux d’épargne. Les retraités sont en effet supposés puiser dans leur épargne pour compenser des pensions inférieures à leurs revenus d’activité. Or, c’est l’inverse qui est observé, en Europe comme au Japon. En France, le taux d’épargne des ménages de plus de 60 ans atteint près de 25 %, contre 18 % en moyenne. Les retraités épargnent davantage car leurs dépenses sont moindres et leurs charges souvent allégées (notamment l’absence d’enfants à charge). En 2022, leur niveau de vie était même légèrement supérieur à celui de l’ensemble de la population (+2 %). Toutefois, les réformes engagées depuis une trentaine d’années devraient conduire à une érosion progressive de ce niveau de vie, ce qui pourrait, à terme, infléchir leur comportement d’épargne.

Les tensions liées aux annonces de relèvement des droits de douane par Donald Trump devraient favoriser le maintien d’un important volant d’épargne de précaution. Les craintes d’un retour du chômage auront un effet similaire. Le financement des retraites, et plus largement celui des administrations publiques, ne sera pas résolu à court terme. Dans ce contexte, l’« épargne de la peur » semble destinée à perdurer, avec une évolution notable : les placements de long terme redeviennent plus attractifs que les placements de court terme, en raison de la baisse des taux directeurs de la Banque centrale européenne.

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