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L’édito de Jean-Pierre Thomas « Sortir des chemins battus »

Les éditos du Président 9 septembre 2024

Un an après son adoption, la réforme des retraites, portant l’âge légal de 62 à 64 ans, demeure contestée. Son abrogation est réclamée par de nombreux partis politiques et syndicats. Cette réforme est indéniablement née sous de mauvais auspices. Elle a été élaborée après l’abandon du projet d’instauration d’un système de retraite par points, projet qui figurait au programme d’Emmanuel Macron en 2017. L’harmonisation des règles aurait, sans aucun doute, constitué une avancée, apportant plus de transparence et d’égalité. Cependant, le caractère bureaucratique de la réforme, marquée par un excès de centralisation, a cristallisé les oppositions. Par ailleurs, au cours des discussions, la question du report de l’âge légal de 62 à 64 ans a suscité l’hostilité des syndicats, qui soutenaient, auparavant, le principe du système par points.

Bien que le texte ait été adopté en première lecture à l’Assemblée nationale avant la pandémie de Covid, Emmanuel Macron a finalement opté, au début de son second mandat, pour une réforme purement paramétrique. La légitimité de cette dernière a été mise en cause dès le départ, en raison d’évaluations divergentes concernant les déficits à venir des régimes de retraite. Pourtant, le constat est clair : la France est, avec l’Italie, le pays de l’OCDE qui consacre le plus de ressources à la retraite, soit plus de 13 % de son PIB. Le ratio cotisants/retraités, qui était de 4 dans les années 1960, est aujourd’hui de 1,7 et devrait tomber à 1,4 d’ici 2070. Le nombre de retraités est passé de 5 millions en 1980 à 17 millions en 2021, et il pourrait atteindre 23 millions d’ici une trentaine d’années.

L’abrogation de la réforme des retraites de 2023 entraînerait une augmentation des charges d’environ 10 milliards d’euros, sachant que les avantages consentis, à juste titre, aux titulaires du minimum contributif ou à certaines catégories de femmes, dont les pensions restent inférieures à la moyenne, ne seront pas remis en cause. Or, dans un régime par répartition, les dépenses de retraite sont financées par les actifs. Leur augmentation pourrait réduire le pouvoir d’achat de ces derniers.

Certains suggèrent de faire contribuer davantage les entreprises, mais cela risquerait de réduire leur taux de marge, d’augmenter les prix et de limiter les hausses salariales. D’autres évoquent la possibilité d’accroître la taxation du patrimoine, des revenus ultra-riches, mais cela pourrait s’avérer insuffisant, car les besoins des régimes de retraite se chiffrent en dizaines de milliards d’euros. Certes, une érosion du pouvoir d’achat des retraités pourrait être envisagée. En moyenne, la retraite en France est d’environ 1 500 euros. Selon la dernière enquête AMPHITÉA/Cercle de l’Épargne, 72 % des non-retraités estiment que le montant de leurs futures pensions ne leur permettra pas de vivre correctement à la retraite.

Face à un dossier aussi complexe, ouvert depuis plus de trente ans, les pouvoirs publics auraient tout intérêt à sortir des sentiers battus. La gestion des retraites devrait avant tout être confiée aux partenaires sociaux, qui ont déjà la responsabilité de maintenir à l’équilibre le système de retraite complémentaire AGIRC/ARRCO, lequel dispose même de réserves abondantes. Comme il existe des domaines réservés à la loi et au règlement, il devrait y avoir un champ dédié à la négociation sociale, dans lequel ni le législatif ni l’exécutif ne pourraient intervenir, sauf exception.

La question de la pénibilité, qui reste en suspens depuis des années, devrait être traitée par les partenaires sociaux. Ils pourraient sans doute imaginer des dispositifs permettant l’instauration d’une retraite à la carte, et en finir ainsi avec les seuils rigides d’âge. Le dispositif de retraite progressive pourrait également être amélioré, avec pour objectif de faciliter la transmission des savoirs et des compétences.

Enfin, l’épargne retraite devrait devenir un sujet central de négociation au sein des entreprises. Aujourd’hui, elle reste principalement l’apanage des grandes entreprises, renforçant ainsi les inégalités de revenus entre les retraités. Le développement de l’épargne retraite constituerait également une source de financement supplémentaire pour les entreprises, leur permettant de se moderniser et de relever le défi de la transition écologique. Cet apport de capitaux, dans le cadre de l’épargne retraite, renforcerait le rôle des partenaires sociaux dans la gestion des entreprises, conformément à la vision du Général de Gaulle lors de la création de l’épargne salariale en 1959.

Jean-Pierre Thomas

Président du Cercle de l’Épargne

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