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L’édito de Jean-Pierre Thomas : Épargne, le complexe jardin à la Française

Les éditos du Président 10 mai 2024

En France, le fléchage de l’épargne est un véritable sport national. Les ménages sont accusés de mal placer leur argent, de privilégier les placements de court terme jugés peu productifs au détriment de ceux de long terme.

Afin d’orienter l’épargne, les gouvernements multiplient les produits et les incitations avec comme conséquences de multiples contradictions. Tous les types d’épargne sont aidés, du court terme au long terme, des livrets avec capital garanti aux actions. L’épargne est, en France, hautement administrée. Mais l’allocation de l’épargne laisse toujours à désirer.

Les derniers débats sur le rôle du Livret A ne devraient pas, bien au contraire, changer la donne. Des voix se sont fait entendre afin que ce vénérable produit finance, en plus du logement social et des collectivités locales, le nucléaire et l’industrie de la défense. Choix étonnant de vouloir confier à un produit d’épargne liquide, garantie par l’État, le financement d’investissements de long voire de très long terme. Une centrale nucléaire nécessite une dizaine d’années pour être construite et est exploitée pour soixante ans. L’avion de combat de Dassault, le Rafale, a été conçu dans les années 1980 et sera en exploitation jusqu’au milieu de ce siècle.

Le Livret A créé en 1818 est un tour de passe-passe. Il permet de transférer le risque sur les pouvoirs publics. Fleuron du savoir-faire financier français, il fait exception dans le monde. Nul autre pays n’a osé nous imiter sur ce terrain. Avec la Taxe sur la valeur Ajoutée, inventée par Maurice Lauré en 1954, nous avons eu plus de chance. Elle a été dupliquée dans plus de 130 pays.

Pour en revenir au Livret A, la transformation d’argent liquide en ressources longues a un coût. Ce dernier est essentiellement supporté par l’État, la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC), les banques et les épargnants, l’État perdant des recettes fiscales, les épargnants acceptant une rémunération moyenne et les banques des frais d’intermédiation élevés. Certes, le Livret A permet à l’État de financer ses déficits et certaines politiques publiques.

Si les épargnants adhèrent à l’épargne réglementée, c’est en raison de la liquidité, de la sécurité et de l’absence de fiscalité. Les caractéristiques du Livret A dissuadent les ménages à rechercher des placements plus rémunérateurs et plus rentables pour l’économie. Dans ces conditions, est-il sain de saucissonner le Livret A afin qu’il puisse venir en aide à la défense ou au nucléaire ? La réponse est loin d’être évidente. De même, est-il nécessaire de créer, avec le Plan d’Épargne Avenir Climat, un produit hybride, mi-assurance vie, mi-Livret A.

Certains imaginent, par ailleurs, développer un Livret pour l’industrie militaire. Ne conviendrait-il pas alors d’instituer un Livret pour l’agriculture, pour les véhicules électriques, etc. ? En économie, l’efficacité suppose la simplicité. Les pouvoirs publics auraient tout à gagner à améliorer l’existant plutôt que d’inventer de nouvelles formules d’épargne. Ainsi, il serait souhaitable de faciliter le financement des entreprises, à travers la démocratisation du private equity et l’unification du marché des capitaux européens.

Renforcer la propension à l’épargne de court terme et sans risque ne contribuera pas à une meilleure allocation de l’épargne française. Cela irait à contresens des ambitions des décideurs publics sachant que depuis cinquante ans, des SICAV Monory à la loi PACTE, les gouvernements essaient d’allonger la durée de l’épargne. L’épargnant français diffère-t-il de ses homologues européens pour que les pouvoirs publics lui tiennent la main en permanence ? Ne faudrait-il pas, au contraire, laisser aux Français plus de liberté en matière de placements, la responsabilisation étant le meilleur d’effectuer les bons choix.

Jean-Pierre Thomas

Président du Cercle de l’Épargne

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