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Avec la publication du taux d’inflation du mois de juin, le Gouvernement devra d’ici quelques jours fixé le taux du Livret A après avoir reçu la préconisation du Gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer. Ce dernier a déjà publiquement prévenu qu’il demanderait une baisse qui s’impose par souci de cohérence avec la politique de la Banque Centrale Européenne.
Avec un taux d’inflation de 0,3 %, en appliquant la formule de fixation du taux du Livret A, le Gouvernement pourrait retenir un taux de 0,5 % en lieu et place de 1 % qui est en vigueur depuis le 1er août 2014 (0,3 + 0,25 % arrondi au quart de point le plus proche ou supérieur). Ce taux serait évidemment un record ce qui est déjà le cas pour le 1 % actuel. Sans nul doute que 0,5 % est un peu excessif et qu’un taux de 0,75 % pourrait plus réaliste mais quels sont les arguments » pour » et les arguments « contre » ?
Les arguments pour la baisse
Les taux d’intérêt à court terme sont à des niveaux historiquement bas, l’Etat emprunte à taux négatif jusqu’à 2 ans.Il conviendrait donc d’aligner le taux du Livret A qui est un produit d’épargne à court terme. Compte tenu de la baisse de l’inflation enregistrée depuis un an, il serait logique d’adapter le taux du Livret A. Il est à signaler que son rendement réel (hors inflation) est de 0,7 point ce qui est un niveau assez élevé sur moyenne période. Le taux d’intérêt réel du Livret A a été négatif en 2010 et 2011.
Une baisse du taux du Livret A permettrait une meilleure allocation de l’épargne. Aujourd’hui, les livrets bancaires fiscalisés sont rémunérés à moins de 0,8 % ce qui fait un rendement réel après impôt autour de zéro. Les banques souhaiteraient que la rémunération du Livret A et le LDD se rapprochent de celles de leurs livrets. Une baisse du taux du Livret 1 pourrait inciter les ménages à s’orienter davantage vers des placements longs comme l’assurance-vie, plus en phase avec le financement de l’économie dite réelle.
Une baisse du taux du Livret A réduirait les coûts du financement du logement social. En effet, les fonds du Livret A servent en partie à financer des prêts aux organismes de logements sociaux. Avec une ressource rémunérée à 1 % auquel il faut ajouter les frais de gestion des banques collectrices et de la Caisse des Dépôts et Consignations qui gère ce Livret, les organismes d’HLM ne peuvent guère espérer des prêts à moins de 2,1 %.
Une baisse du taux réduirait les coûts de la Caisse des Dépôts et Consignations. Pour assurer la liquidité du Livret A, la Caisse des Dépôts placent environ 50 % des sommes collectées dans le Fonds d’Epargne en acquérant des titres publics. Les rendements offerts sur les obligations d’Etat sont inférieurs en moyenne à 1 %. De ce fait, à terme, la Caisse des Dépôts perdra de l’argent sur la gestion financière du Livret A. La décollecte de ces derniers mois est, à ce titre, plutôt une bonne nouvelle pour l’institution. La décollecte a atteint 6,13 milliards d’euros en 2014 et 2,3 milliards d’euros sur les 5 premiers mois de 2015.
Une baisse du taux du Livret A pourrait favoriser la consommation. Néanmoins, le lien entre taux du Livret A et consommation n’est pas évident. La réduction de la rémunération des livrets défiscalisés incitent les ménages à accroître leurs dépôts sur leur comptes courants ou à réorienter leurs flux d’épargne vers l’assurance-vie ou l’épargne logement.
Les arguments contre la baisse du taux du Livret A
Le Gouvernement pourrait être incité à maintenir le taux du Livret A en prenant en compte le taux d’inflation sous-jacent, le taux décorrellé des facteurs conjoncturels que sont les variations des cours des matières premières. Ce taux est actuellement de 0,6 %. Par ailleurs, d’ici la fin de l’année, le taux d’inflation devrait revenir autour justement de 0,6 % ce qui pourrait justifier de conserver le taux à 1 %. En maintenant le taux du Livret A inchangé, les pouvoirs publics pourraient ainsi souligner qu’ils croient au retour de la croissance. Ils ne voudraient pas générer des anticipations inverses.
Le Gouvernement sera surtout sensible à l’impact psychologique d’une baisse en-dessous de 1 %. La France compte 61,6 millions de Livret A soit autant ou presque que de Français. De ce fait toucher à ce placement est toujours délicat. Le taux du Livret A obéit à des considérations éminemment politiques. Or, au mois de décembre, se dérouleront les élections régionales…
Philippe Crevel
Directeur du Cabinet d’études Economiques Lorello Ecodata
Responsable du Cercle de l’Epargne
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