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Le mur de la dépendance se rapproche

Prévoyance 8 avril 2025

Dans les prochaines années, la question de la dépendance sera de plus en plus prégnante en France comme dans les autres pays de l’OCDE. Le vieillissement de la population, fruit à la fois d’une transition démographique longue et d’une réussite sanitaire historique, modifie en profondeur l’équilibre de nos sociétés. En France, la proportion des personnes âgées ne cesse de croître, tout comme le nombre de celles concernées par la perte d’autonomie. Ce phénomène, d’ampleur inédite, soulève des interrogations majeures sur les capacités de notre système à assurer une prise en charge digne, efficace et équitable. Au-delà des chiffres, il s’agit aussi de penser une société où le vieillissement et la perte d’autonomie ne seraient plus synonymes d’exclusion ou de souffrance.

Vieillissement démographique et montée en charge de la dépendance

La France est engagée dans une dynamique de vieillissement rapide. En 1981, le pays comptait 5 millions de retraités. Ils sont aujourd’hui 17 millions, et devraient être 23 millions vers 2050. Parallèlement, la proportion des plus de 60 ans est passée de 14 % en 1980 à 27 % en 2024, et devrait atteindre 30 % d’ici 2049. Ce vieillissement est amplifié par une augmentation significative de l’espérance de vie à 60 ans, notamment chez les hommes qui ont gagné huit ans depuis 1950 (de 16 à 24 ans). L’indicateur le plus significatif pour appréhender la dépendance reste celui des plus de 85 ans. Leur nombre passera de 2,3 millions en 2024 à 3,8 millions en 2040, avec une projection supérieure à 5 millions d’ici 2050. Or, c’est dans cette tranche d’âge que la perte d’autonomie est la plus fréquente.

Proportion de la population âgée de plus de 60 ans en France aux dates indiquées :

  • 1980 : 14 %
  • 2000 : 16 %
  • 2024 : 27 %
  • 2049 : 30 %

Nombre de personnes de plus de 85 ans :

  • 1,4 million en 2000 ;
  • 2,3 millions en 2024 ;
  • 3,8 millions en 2040.

La dépendance, une réalité multidimensionnelle

La dépendance recouvre des réalités multiples. Elle est d’abord un phénomène médical, lié à l’état de santé physique ou cognitif. Mais elle est aussi sociale (isolement), psychologique (perte de repères, dépression), et économique (coûts pour les familles et les collectivités).

En 2025, environ 1,5 million de personnes âgées sont dépendantes. Ce chiffre pourrait atteindre 2 millions en 2040 et 2,5 à 3 millions en 2050. Les dépenses publiques associées à la perte d’autonomie représentent actuellement 1,6 % du PIB et pourraient grimper jusqu’à 3 % d’ici le milieu du siècle.

La prise en charge de la perte d’autonomie repose à la fois sur l’intervention de professionnels du soin et de l’accompagnement, et sur les aidants familiaux, dont le nombre est estimé entre 8 et 11 millions aujourd’hui. Mais ce vivier pourrait se réduire, en raison de l’éclatement des familles, accentuant les besoins en personnel professionnel. Le recrutement dans les métiers du grand âge devient un enjeu crucial : les besoins en infirmiers, aides-soignants et médecins sont appelés à croître de 30 à 50 % d’ici 2050.

L’APA, un dispositif essentiel, mais inégalitaire

L’Allocation personnalisée d’autonomie (APA) est le principal outil de soutien aux personnes en perte d’autonomie. Elle est versée pour une durée moyenne de 2,4 ans, soit 10 % du temps de retraite moyen. Ce chiffre masque toutefois de fortes inégalités : les retraités les plus modestes accèdent à l’APA cinq ans plus tôt que les plus aisés, et les femmes en bénéficient plus longtemps (3,3 ans contre 1,4 an pour les hommes).

Les conditions d’accès à l’APA reflètent les inégalités de carrière et de santé. Les anciens ouvriers, agriculteurs, ou les retraités pour inaptitude y accèdent plus tôt, souvent faute de ressources suffisantes pour résister aux premiers signes de dépendance. Les plus aisés, en revanche, retardent leur recours à l’APA, mais en bénéficient davantage en EHPAD, où les GIR 1 et 2 sont surreprésentés.

L’habitat intermédiaire : une réponse à structurer et à développer

95 % des plus de 60 ans vivent à domicile. Plus des deux tiers des Français souhaitent y rester le plus longtemps. Les scandales concernant les EHPAD ont renforcé ce souhait. Les options intermédiaires, maisons seniors ou maisons de retraite ne sont pas pour le moment plébiscitées. Une étude du CRÉDOC (2025) montre que seuls 7 % des retraités envisagent spontanément de déménager vers une résidence autonomie, même si 58 % se déclarent intéressés après explication.

Les résidences autonomie comme celles de Domitys offrent un cadre sécurisé, des logements adaptés, une vie sociale riche et une certaine liberté. Elles sont peu médicalisées, mais assurent un suivi préventif et un répit pour les aidants. La France en compte 2 260, accueillant 100 000 résidents. Leur rôle est amené à croître, mais leur image souffre d’une confusion persistante avec les EHPAD.

La dépendance est souvent la cause et la conséquence d’un isolement, comme le décès du comédien américain Gene Hackman l’a récemment prouvé. La solution du maintien à domicile se révèle bien souvent difficile à mettre en œuvre. Elle est par nature coûteuse en ne permettant pas les gains d’échelle. Face à cette difficulté, les pouvoirs publics et le secteur privé doivent améliorer les conditions d’accueil dans les établissements collectifs.

La France a d’importants progrès à réaliser pour humaniser ses établissements de santé. Le nombre d’intermédiaires entre le corps médical, les patients et les malades doit être accru. Face à une médecine de plus en plus technique et face à l’accroissement de la demande de soins, les médecins sont surchargés et peinent à maintenir un contact de qualité. Face à des situations de dépendance, de maladies invalidantes, les patients et les familles sont désemparés. Il est important de remettre du liant. Le traitement de la douleur, malgré des progrès réalisés ces dernières années, reste encore insuffisant. Quand les patients sont amenés à être hospitalisés à domicile, bien souvent les moyens dévolus à la lutte contre la douleur sont insuffisants.

Les assistants sociaux dans les hôpitaux sont débordés. Malgré leur dévouement, ils peinent à résoudre les problèmes auxquels sont confrontées les familles. Ils rencontrent notamment des difficultés pour organiser les soins à domicile (infirmières, kinésithérapeutes, etc.). Avec les problèmes de transports que ce soit en milieu urbain ou en milieu rural ainsi que le souhait légitime du personnel soignant d’avoir des vies de famille aussi normales que possible, il est compliqué de bâtir des emplois du temps permettant de répondre aux besoins des personnes dépendantes à domicile.

Le renforcement des équipes d’accompagnement des familles constitue donc une nécessité pour faire face au défi du vieillissement dans les prochaines années. Des moyens seront indispensables pour créer des maisons de soins dédiées à la dépendance et pour former du personnel. Par ailleurs, les EHPAD devront certainement davantage jouer un rôle de centres de logistique pour la dépendance dans les prochaines années. Il faut que dans un seul lieu puissent se concentrer les équipements, et les compétences pour gérer le plus grand nombre de situations.

Comparaisons internationales : enseignements et pistes d’action

L’étude des modèles étrangers permet d’envisager des solutions :

  • L’Allemagne a instauré en 1995 une assurance dépendance obligatoire, financée par une cotisation sociale.
  • Le Japon, confronté à un vieillissement avancé, a mis en place un système universel depuis 2000, misant sur la prévention et la réduction du taux de prévalence de la dépendance.
  • Les pays nordiques, comme la Suède et le Danemark, proposent une offre publique abondante, articulée autour de l’autonomie et du soutien aux aidants.
  • À l’inverse, les États-Unis s’appuient principalement sur le marché privé, avec des inégalités d’accès fortes, Medicaid ne couvrant que les plus démunis.

La France peut s’inspirer de ces modèles pour réformer son système. Le débat sur le financement reste ouvert : faut-il une assurance obligatoire, un financement par l’impôt ou une méthode mixte ? La réponse dépendra de la volonté politique et de l’adhésion sociale.

La dépendance n’est pas un accident, mais une conséquence attendue du vieillissement. Elle ne doit pas être vécue comme une fatalité. Elle exige des politiques publiques courageuses et anticipatrices. Il faut repenser l’organisation des soins, développer les métiers du grand âge, structurer les parcours de vie et de logements, et soutenir plus efficacement les aidants. Plus qu’une simple réforme technique, la question de la dépendance pose celle du lien social, de la solidarité intergénérationnelle et de la dignité humaine.

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