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Paris, le 21 juin 2019
Analyse de Philippe Crevel, Directeur du Cercle de l’Épargne
Le Livret A n’en finit pas d’enregistrer des collectes importantes en cette année 2019. Pour le mois de mai, elle a atteint 1,22 milliard d’euros soit deux fois plus qu’un an plus tôt, en mai 2018. Avec le Livret de Développement Durable, la collecte atteint même 1,61 milliard d’euros. L’encours du Livret A bat un nouveau record au mois de mai avec 294,9 milliards d’euros. En y ajoutant le LDDS, l’encours est de 405,2 milliards d’euros.
Le résultat du mois de mai même s’il est en retrait par rapport à celui d’avril reste exceptionnel. Lors de ces dix dernières années, quatre décollectes avaient été enregistrées en mai. Le cinquième mois de l’année était jusqu’à maintenant une charnière. Avec la proximité des vacances, les ménages commençaient, à la fin du printemps, à ralentir leur effort d’épargne. Les années précédentes, les impôts expliquaient également, par le jeu des tiers provisionnels, le reflux de l’épargne à compter de mai, ce qui n’est plus le cas avec l’instauration de la retenue à la source.
Depuis le début de l’année, les ménages français continuent d’arbitrer en faveur de l’épargne leurs gains de pouvoir d’achat. Les revenus sont en hausse du fait de la mise en œuvre de plusieurs mesures de soutien annoncées au mois de décembre dernier par le Président de la République (prime exceptionnelle défiscalisée, la baisse de la CSG pour les retraités, revalorisation de certaines prestations sociales). Sur l’ensemble de l’année, les gains de pouvoir d’achat sont évalués à 2,1 %, soit le plus fort gain depuis 2007. Ces derniers sont également liés au repli de l’inflation qui est revenue de 2 à 1 % en quelques mois.
Cette préférence pour l’épargne s’explique par un niveau de confiance relativement faible. Même si l’indicateur de l’INSEE qui mesure la confiance des ménages était en hausse au mois de mai, il reste, et cela depuis un an, en-dessous de sa moyenne de longue période. Les ménages doutent de la réalité de l’amélioration de leur situation financière et surtout de sa durabilité. Ils anticipent une détérioration de la situation. Les tensions entre les États-Unis et la Chine ainsi qu’avec l’Iran peuvent justifier la prudence des ménages. Par ailleurs, l’idée d’une prochaine récession a été évoquée à plusieurs reprises. L’impact des incertitudes et des annonces pessimistes peuvent aboutir à une autoréalisation de la crise. Il n’est donc pas étonnant que le taux d’épargne soit passé de 13,7 à 15,3 % du revenu disponible brut du 1er trimestre 2018 au premier trimestre 2019.
Le Livret A ne pâtit pas de son faible rendement qui reste en valeur réelle, une fois l’inflation prise en compte, négatif. Compte tenu de la baisse des taux sur le marché obligataire, son rendement peut apparaître néanmoins élevé pour un placement de court terme bénéficiant d’une garantie en capital. Le taux de l’emprunt d’État à 10 ans a été négatif pour la première fois de son histoire mardi 18 juin.
Avec l’amélioration de l’emploi et la persistance des gains de pouvoir d’achat, l’INSEE table sur une reprise franche de la consommation au second semestre devant amener une baisse en parallèle de l’épargne. Pour le moment, peu d’indices indiquent que les ménages soient prêts à infléchir leur comportement empreint de prudence et de méfiance tant vis-à-vis des pouvoirs publics que de la situation économique.
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