Accueil > Actualités > Prévoyance > 2022 >
Le médecin de famille, tout à la fois médecin et conseiller, ou le médecin de campagne fait partie, avec l’instituteur et le prêtre, de l’imaginaire des Français. Cette image d’Épinal a vécu. Avec l’urbanisation du pays et la réduction du temps de travail qui concerne également les professionnels de santé, il est devenu difficile d’obtenir, dans certains territoires, un rendez-vous médical. Contrairement aux idées reçues, les déserts médicaux ne se limitent pas au seul milieu rural. Ils existent au sein des grandes agglomérations et notamment en Île-de-France. Le vieillissement de la population conduit à de nombreux départs à la retraite de praticiens et génère, dans le même temps, des besoins croissants en matière de santé amenant à des difficultés pour l’obtention de rendez-vous médicaux. Ce problème n’est pas spécifique à la France. Tous les pays occidentaux sont confrontés à la problématique des déserts médicaux. Les solutions financières pour inciter les professionnels de santé à s’implanter sur des territoires à faible densité médicale donnent des résultats décevants conduisant les pouvoirs à porter leur attention sur la structuration de l’offre.
La Direction de la Recherche, des Études, des Évaluations et des Statistiques du ministère de la Santé, dans une note du mois de décembre 2021, souligne que les aspects financiers ne seraient pas les seules motivations des médecins dans leur choix d’implantation. Ces derniers prendraient également en compte les conditions d’exercice de leur métier, la qualité des services publics et notamment la présence d’établissements scolaires de qualité. Dans les faits, les territoires les plus attractifs sont ceux où le pouvoir d’achat de la population est le plus élevé, autorisant les dépassements d’honoraires.
Les experts de la DREES précisent dans leur note que les incitations financières ne suffisant pas pour conduire des praticiens à opter pour des déserts médicaux. Les expériences menées en la matière à l’étranger corroborent cette appréciation. De plus en plus, les médecins, notamment les jeunes, privilégient les conditions de vie. Ils estiment que l’installation dans une zone à faible densité médicale les expose à un nombre d’heures élevé et à des temps de transports plus importants.
Parmi les autres moyens permettant de réduire les déserts médicaux figurent l’augmentation du nombre de médecin en veillant à un recrutement sur l’ensemble du territoire, la régulation (contraintes sur le choix de localisation) et le soutien professionnel et personnel.
Le numerus clausus introduit en France en 1971 visait à garantir le niveau des médecins à réduire l’offre dans un souci d’équilibre des comptes publics. En desserrant voire en supprimant le numerus clausus, la formation d’un plus grand nombre de médecins devrait, en théorie, aboutir à réduire les déserts médicaux. Or, en l’état, rien ne prouve que la distribution géographique des médecins soit plus équilibrée, d’autant plus que les besoins sont croissants dans tous les territoires. Pour obtenir une répartition équilibrée, le recrutement des futurs professionnels de santé devrait être diversifié. Ces derniers devraient venir des différentes catégories de territoires ce qui suppose une sensibilisation en amont des jeunes, en particulier en milieu rural. Plusieurs études semblent prouver l’influence de l’origine des médecins sur leurs choix d’installation. Une discrimination positive en faveur des étudiants issus des territoires à faible densité médicale pourrait être instituée. Une telle discrimination poserait, en revanche, un problème d’égalité entre les candidats. Une autre solution serait de sensibiliser les lycéens de ces territoires aux études médicales. La création d’antennes décentralisées des facultés de médecine pourrait être également imaginée.
Les pouvoirs publics pourraient décider de restreindre la liberté d’installation. Plusieurs solutions sont envisageables. La première viserait à obliger les jeunes médecins à effectuer un passage obligé dans des zones déficitaires. Cette solution a comme inconvénient de faire de ces territoires des zones de passage avec des praticiens sans expérience. Un système d’ouverture de postes pourrait être institué. Les médecins ne devraient choisir leur lieu d’implantation qu’en fonction des postes vacants. Ce système reprendrait le principe en vigueur pour certaines professions réglementées, à l’instar des notaires, des pharmaciens, etc. La gestion de la mobilité devrait alors être traitée. Une régulation poussée pourrait dissuader un certain nombre d’étudiants d’opter pour médecine.
À défaut de mesures contraignantes, les pouvoirs publics pourraient améliorer les conditions de vie des praticiens acceptant de s’installer dans des déserts médicaux. Ces derniers pourraient bénéficier de dispositifs de remplacement pour leur permettre de partir en vacances ou de se former. Une meilleure prise en compte des sujétions, gardes, transports, pourrait également être prévue.
Les expériences menées dans les pays étrangers appellent à la modestie, aucun n’ayant réellement trouvé la martingale. En France comme ailleurs, les médecins aspirent à une « vie normale » et à des conditions de vie correctes. La concentration des cadres et des professions libérales au sein des grandes agglomérations n’épargne pas les médecins. Ces derniers sont moins nombreux que dans le passé à vouloir exercer en libéral. Le salariat, autrefois impensable, est de plus en plus plébiscité, tout comme l’installation au sein de centres médicaux permettant de mutualiser les moyens administratifs. Même si la profession récuse l’idée de la fonctionnarisation, celle-ci est de plus en plus marquée. Pour le moment, nul n’imagine que le ministère de la Santé ou les Agences régionales de santé gèrent l’emploi en dehors des hôpitaux mais le débat sur une meilleure adéquation de l’offre à la demande est ouvert.
A lire dans le Mensuel N°93 de janvier 2022 du Cercle de l’Épargne
contact@cercledelepargne.com