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La France a longtemps bénéficié d’un taux de fécondité honorable évoluant entre 1,8 et 2,1 avant de connaître une érosion de ce dernier. L’accueil d’immigrés et l’arrivée tardive d’enfants pour les générations des années 1975-1985 ont contribué à un léger ressaut de la fécondité.
La baisse de la fécondité n’est pas sans incidence sur les équilibres à long terme des régimes de retraite en réduisant la croissance potentielle et en dégradant le ratio actifs/inactifs. La baisse de la fécondité peut être compensée par une augmentation du solde migratoire. L’équilibre des retraites dépend, par ailleurs, de l’espérance de vie à la retraite et du ratio démographique actifs/retraités. Les évolutions en cours peuvent avoir des effets contradictoires et pourraient amener, à terme, le Conseil d’Orientation des Retraites (COR) à réviser ses hypothèses démographiques.
La baisse de la fécondité s’explique par la baisse de la population féminine âgée de 20 à 40 ans. Cette population diminue depuis le milieu des années 1990. Entre 1995 et 2023, le nombre de femmes appartenant à cette tranche d’âge a reculé de 8,5 %. Pendant un temps, l’augmentation des grossesses tardives a compensé cette diminution, mais ce phénomène a atteint ses limites.
L’indicateur conjoncturel de fécondité (ICF) donne le nombre moyen d’enfants qu’aurait une femme tout au long de sa vie si les taux de fécondité observés à chaque âge, l’année considérée, demeuraient inchangés. Cet indicateur a crû presque continûment entre 1995 et 2007, en lien avec le report des naissances et d’un désir accru d’enfants au passage de siècle. Après une relative stabilité, l’ICF a baissé à partir de 2014, passant de 2,0 enfants par femme en 2014 (après un pic à 2,03 en 2010) à 1,68 en 2023. En 2022, l’ICF était encore de 1,79. Le niveau de 2023 est comparable à celui des années 1993-1994.
Depuis le milieu des années 1990, la fécondité des femmes les plus jeunes (15-29 ans) baisse en France alors que celle des femmes âgées de 30 à 44 ans progresse, marquant ainsi un recul de l’âge de la maternité. L’âge moyen des femmes à l’accouchement était de 28,8 ans en 1994 et s’établit à 31 ans en 2023. En 2023, le taux de fécondité baisse pour les femmes de toutes les classes d’âge. Cette baisse s’expliquerait par un recul du désir d’enfants selon l’indicateur présenté par l’Union nationale des associations familiales (Unaf) et calculé par Verian (ex Kantar public). Les deux facteurs mis en avant par les ménages pour expliquer leur moindre propension à avoir des enfants sont l’inquiétude sur l’évolution du monde dans lequel leurs enfants vivront et le coût pour les élever.
Il convient de souligner qu’en 2022, le nombre d’interruption volontaire de grossesse (IVG) a atteint un niveau inconnu depuis 1990 (16,2 IVG pour 1 000 femmes âgées de 15 à 49 ans). L’allongement de deux semaines du délai légal de recours ne suffit pas à expliquer cette augmentation car les IVG les plus tardives représentent moins d’un cinquième du surplus observé par rapport à l’année 2021. Ce sont les jeunes femmes de 20 à 29 qui ont contribué à la forte hausse des IVG en 2022.
Jusqu’à maintenant, le COR retenait un taux de fécondité de 1,8 pour son scénario central avec une variante basse d’ICF à 1,6 et une hypothèse haute à 2,0, légèrement en deçà du seuil de renouvellement des générations. L’indice de 2023 pose donc la question de l’éventuelle révision des hypothèses démographiques. Les projections démographiques reposent sur l’hypothèse d’un âge moyen à la maternité qui continuerait d’augmenter jusqu’à 33 ans avant de se stabiliser en 2052. Avant de modifier ses hypothèses, le COR attend les travaux d’analyse des évolutions récentes de la fécondité menés par l’INSEE.
Pour se rassurer, le COR met en avant, à juste titre, que la France fait toujours partie des pays suivis par le COR où la fécondité est la plus forte. En 2021, la France devançait la République tchèque (ICF de 1,83), suivie par la Roumanie (1,81). L’Allemagne était en position intermédiaire avec un ICF de 1,58, contre 1,53 pour l’ensemble de l’UE27. À titre de comparaison, les États-Unis enregistraient, en 2021, un ICF de 1,66 enfant par femme. Trois des pays suivis par la COR avaient un ICF inférieur ou égal à 1,3 : le Japon, l’Espagne et l’Italie.
Le recul de la fécondité observé en 2023 est-il spécifique à la France ? Il intervient après des années marquées par l’épidémie de covid. Cette dernière a eu des conséquences psychologiques importantes sur les populations comme en témoigne la hausse du nombre de tentatives de suicide. La comparaison, mois par mois, du nombre de naissances, chaque année entre 2019 et 2023, dans les pays étudiés par le COR, met en évidence que dans tous, le nombre de naissances mensuelles est plus bas, en 2023 par rapport aux autres années.
Dans la plupart des pays, le nombre de naissances mensuelles avait connu une hausse significative en 2021 à la sortie de la crise Covid avant de baisser significativement en 2023. La France fait néanmoins partie des pays où le recul du nombre de naissances, en 2023, est le plus fort, avec une moyenne de 10 points en deçà du niveau du nombre de naissances enregistré chaque mois en 2009.
Le solde migratoire observé au cours des 25 dernières années était en moyenne de 82 000 personnes par an. Ce solde connaît de fortes fluctuations et est empreint de nombreuses incertitudes concernant son évolution voire de son mode de calcul. L’INSEE a évalué à 183 000 le nombre d’entrées nettes pour les années 2021 à 2023, en reproduisant celles retenues pour les années 2018-2021. En 2020, dernière année observée, le solde migratoire s’élevait à 223 000, bien au-delà de l’hypothèse centrale des projections démographiques du COR (+70 000). La variante hausse avait été fixée à +120 000) et la variante basse à 20 000. En l’état, le COR maintient, pour 2024, son scénario et n’a prévu de le réviser qu’en 2025, en fonction des résultats de 2021.
L’espérance de vie à 65 ans a augmenté, de 1950 à 2022, de 8,5 ans pour les femmes et de 7 ans pour les hommes. En se référant à la période récente, après avoir baissé en 2015, en raison de conditions épidémiologiques et météorologiques peu favorables, l’espérance de vie à 65 ans a progressé de nouveau entre 2015 et 2019, mais de façon ralentie par rapport aux précédentes décennies. Avant 2014, l’espérance de vie à 65 ans progressait de 1,5 an à 2 ans par décennie.
Entre 2014 et 2019, le rythme des gains d’espérance de vie à 65 ans évolue entre 0,7 an et 1 an par décennie chez les femmes et entre 1,2 an et 1,4 an par décennie chez les hommes. En 2023, l’espérance de vie à 65 ans est de 23,6 ans pour les femmes et de 19,8 ans pour les hommes. Elle dépasse, désormais, de 0,2 an son niveau de 2019 pour les femmes et pour les hommes. D’après le scénario central des projections démographiques 2021-2120, l’espérance de vie à 65 ans atteindrait 28,2 ans pour les femmes et 26,6 ans pour les hommes à l’horizon 2090.
Compte tenu de l’évolution de la natalité, du solde migratoire et de l’espérance de vie, la baisse du rapport démographique des 20-64 ans sur les 65 ans et plus s’est accélérée à partir de 2009, année où il est compté 3,6 personnes de 20 à 64 ans par personne de 65 ans et plus (2,6 en 2024 selon les données provisoires). Le phénomène se poursuivrait jusque vers le milieu des années 2030 en raison de l’arrivée à l’âge de 65 ans des générations du baby-boom.
Au-delà, le rapport démographique continuerait à baisser mais à un rythme moindre. Il se stabiliserait en fin de période de projection. En 2090, il y aurait, environ, 1,54 personne de 20-64 ans par personne de 65 ans et plus d’après le scénario central. Ce taux serait un peu plus élevé par rapport aux hypothèses retenues par le COR (de 0,09 point) en retenant l’hypothèse haute de solde migratoire et au contraire plus basse (de 0,18 point) en cas d’hypothèse basse de fécondité.
En conservant le scénario central de mortalité et en combinant les hypothèses de fécondité basse et de solde migratoire haut, le ratio du nombre de personnes de 20-64 ans et 65 ans et plus atteindrait 1,45, soit 0,09 point en dessous du ratio atteint dans le scénario central.
L’augmentation de la population immigrée a un effet positif immédiat sur l’équilibre des régimes de retraite tout comme, de manière plus marginale, de la moindre progression de l’espérance de vie à la retraite. La baisse du taux de fécondité aura des effets à long terme, en réduisant le nombre d’actifs et de femmes pouvant avoir des enfants. Le COR semble avoir opté pour la prudence en ne modifiant pas ses hypothèses démographiques de fond en comble en vue de la publication de son rapport annuel 2024.
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