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Déficit public plus élevé que prévu, croissance plus faible qu’estimée, les agences de notation avaient de la matière pour réviser à la baisse de la France mais Ficht comme Moodys ne l’ont pas fait en prenant en compte d’autres critères économiques et financiers.
La France a perdu son premier triple A en 2012 (Standard & Poors). En janvier 2013, elle n’est plus triple A pour aucune des agences Depuis, elle a reculé dans le classement des bons Etats tout en restant parmi les meilleures signatures. Lors de sa dernière révision en 2023, Moody’s a attribué la note Aa2 à la France, soit le 3e cran le plus élevé (après Aaa et Aa1), qui correspond à une « qualité haute » de la dette. Fitch Ratings a attribué la note « AA –« , soit le 4e cran le plus élevé, qui correspond là aussi à une « qualité haute ». Pour chacune des deux agences, cette note s’accompagne d’une perspective « stable ». Cette mention indique une probabilité faible que la note soit réévaluée à la baisse ou à la hausse lors de la révision suivante. En revanche, S&P avait lors de sa dernière révisions accolé une perspective négative à son AA (« qualité haute »)
En 2023, le déficit public a été de 5,5 % du PIB, contre 4,9 % espéré ; en 2024, la croissance ne devrait pas dépasser 1 % quand le projet de loi de finances a été bâti sur un taux de 1,4 %. Dans ce contexte, le gouvernement a dû admettre que le déficit public, en 2024, serait de 5,1 % du PIB et non de 4,4 %. Face au risque de dérive des comptes publics, le Ministre des Finances a promis la réalisation de 20 milliards d’euros d’économies. Moodys et Ficht ont pris en compte les réformes engagées ces dernières années en particulier celles qui concernent le marché de l’emploi. Plus d’actifs au travail signifie plus de croissance et plus de recettes publiques. Le prochain rendez-vous est désormais fixé en mai avec la note de S&P. Quoi qu’il arrive, la France reste une signature recherchée en Europe. L’Etat a la capacité de lever des emprunts et de les rembourser. Il peut compter sur un système fiscal efficace et sur un taux d’épargne élevé.
Des marchés veulent croire à la reprise
Les indices « actions » continuent sur leur lancée de la semaine dernière en progressant faiblement. L’indice parisien, le CAC 40, a été porté par TotalEnergies et Saint Gobain. Les investisseurs estiment que le plus dur du ralentissement de la croissance est passé. Une reprise est espérée pour la seconde partie de l’année avec notamment un rebond de la construction. TotalEnergies profite de la bonne tenue du cours du pétrole. La compagnie pétrolière française a enregistré un bénéfice de 5,7 milliards de dollars au premier trimestre, soit en hausse de 3 % par rapport aux trois premiers mois de 2023. Les dirigeants de TotalEnergies réfléchissent éventuellement pour sortir du marché financier français au profit d’une cotation à Wall Street. Cette réflexion est liée au poids croissant des actionnaires américains et au fait que les investisseurs européens se détournent des entreprises en lien avec les énergies fossiles.
Les indices américains ont repris, de leur côté, leur marche en avant les investisseurs étant rassurés par le ralentissement de la croissance qui rend possible une prochaine réduction des taux directeurs. Le taux d’intérêt des obligations souveraines continuent d’augmenter. L’écart entre la France et l’Allemagne pour les taux à 10 ans reste stable (0,5 point de pourcentage).
Inflation américaine, une lecture plurielle des résultats
L’indice des prix américain « PCE » a augmenté de 0,3 % sur un mois en mars et de 2,7% sur un an. En écartant l’alimentation et l’énergie, cette mesure d’inflation sert d’indicateur de référence par la Réserve fédérale pour l’élaboration de sa politique monétaire. En rythme annuel, cet indice est en hausse de +2,8 %. C’est 0,1 point de pourcentage de plus que les chiffres du consensus pour la variation annuelle, mais conforme aux anticipations entre février et mars. Compte tenu de l’évolution de ces derniers mois, ce résultats de mars est presque une bonne nouvelle. L’ensemble du premier trimestre a été néanmoins marqué par une accélération de l’inflation sous-jacente (+3,7 % contre +3,4 % attendu). Au vu de ces résultats, la lutte contre l’inflation n’est pas finie mais la situation apparaît globalement maîtrisée. Si la détente monétaire mettra plus du temps à se matérialiser, elle ne semble pas être reportée sine die.
Résultats 26 avril 2024 | Évolution sur une semaine | Résultats 29 déc. 2023 | Résultats 30 déc. 2022 | |
CAC 40 | 8 088,24 | +0,60 % | 7 543,18 | 6 471,31 |
Dow Jones | 38 239,66 | +0,81 % | 37 689,54 | 33 147,25 |
S&P 500 | 5 099,96 | +2,79 % | 4 769,83 | 3839,50 |
Nasdaq Composite | 15 927,90 | +4,41 % | 15 011,35 | 10 466,48 |
Dax Xetra (Allemagne) | 18 166,91 | +1,77 % | 16 751,64 | 13 923,59 |
Footsie 100 (Royaume-Uni) | 8 139,83 | +3,09 % | 7 733,24 | 7 451,74 |
Eurostoxx 50 | 5 006,85 | +1,8° % | 4 518,28 | 3792,28 |
Nikkei 225 (Japon) | 37 934,76 | +1,51 % | 33 464,17 | 26 094,50 |
Shanghai Composite | 3 087,53 | -0,40 % | 2 974,93 | 3 089,26 |
OAT France à 10 ans | +3,064 % | +0,059 pt | +2,558 % | +3,106 % |
Taux Bund allemand à 10 ans | +2,578 % | +0,083 pt | +2,023 % | +2,564 % |
Taux Trésor US à 10 ans | +4,672 % | +0,066 pt | +3,866 % | +3,884 % |
Cours de l’euro/dollar | 1,0707 | +0,36 % | 1,1060 | 1,0697 |
Cours de l’once d’or en dollars | 2 339,74 | -2,06 % | 2 066,67 | 1 815,38 |
Cours du baril de pétrole Brent en dollars | 89,35 | +2,54 % | 77,13 | 84,08 |
Cercle de l’Épargne
Jeudi 18 avril, Enrico Letta, l’ancien Président du Conseil italien, a remis un rapport sur l’avenir du marché unique européen qui assure en théorie depuis 1993 la libre circulation des biens, des services, des personnes et des capitaux au sein des États membres.
Le rapport Letta insiste sur la nécessité d’un « marché financier européen plus intégré et plus robuste », « essentiel pour exploiter le plein potentiel » économique de l’Union. Il suggère une « union de l’épargne et des investissements » afin de retenir en Europe les flux de capitaux. À cette fin, il préconise une harmonisation réglementaire, la création d’un produit d’épargne de long terme européen, un garantie publique européenne pour soutenir l’investissement dans la transition écologique, des réformes pour favoriser les partenariats public-privé, le développement de la titrisation, la création d’une Bourse européenne pour les start-up de la « Deep Tech » (intelligence artificielle, quantique, biotechnologie). Ces idées sont amplement partagées par Bruno Le Maire, le ministre de l’économie français, mais ne font pas consensus au sein des 27 États membres, aucune avancée sur ce sujet n’ayant été enregistrée depuis dix ans. Le rapport demande également de rediriger une partie des aides publiques accordées aux entreprises par les États membres vers « le financement d’initiatives et d’investissements paneuropéens ». Actuellement, les États membres pratiquent une surenchère au niveau des aides pour attirer des entreprises. Dans le projet d’Enrico Letta, ils seraient contraints de consacrer « une portion » de leurs aides vers des financements européens. L’objectif serait la mise en œuvre d’une politique industrielle européenne cohérente. Le rapport souligne que des progrès doivent notamment être réalisés au niveau des télécommunication et l’énergie. Dans le domaine des télécommunications, le marché n’a pas été réellement unifié et prend la forme de 27 marchés nationaux. Cette « fragmentation » freine la croissance des opérateurs paneuropéens et les pénalise face à la concurrence internationale. Elle génère des surcoûts pour les entreprises et les ménages. L’Europe compte plus de 100 opérateurs téléphoniques ayant en moyenne 5 millions d’abonnés. Aux États-Unis, le nombre moyen d’abonnés est de 107 millions. En Chine, ce nombre avoisine les 500 millions. Dans l’énergie, la faiblesse de la concurrence se traduit par des divergences de prix entre les États. Les réseaux sont insuffisamment interconnectés. Enrico Letta préconise la réalisation d’investissements financés par l’émission d’obligations européennes vertes.
Des progrès sont nécessaires sur le terrain de la défense. Si l’ensemble des budgets cumulés en la matière atteignent 240 milliards d’euros, soit un niveau proche de celui de la Chine (275 milliards) et trois fois supérieur à celui de la Russie, il reste néanmoins inférieur à celui des États-Unis, près de 850 milliards de dollars.
L’Union européenne souffre d’un sous-investissement chronique en matière d’équipements militaires. 80 % de ceux qui ont été fournis à l’Ukraine, depuis le début du conflit, ont été achetés en dehors de l’Union. Enrico Letta demande « un soutien direct à travers le budget de l’Union » pour financer des initiatives communes de R&D et d’achats communs. Il souhaite la création d’un marché commun pour l’industrie de défense.
En France, Christian Noyer, ancien Gouverneur de la Banque de France, a présenté un rapport sur la nature des principaux obstacles à lever pour mieux mobiliser les investissements privés dans la transition écologique et numérique de l’Europe. Comme Enrico Letta, il plaide en faveur d’un marché unique des capitaux européens. Le marché des capitaux en Europe est sous-dimensionné. Pour être concurrentiel au niveau mondial, il devrait s’accroître de 60 %. Le rapport Noyer préconise le développement d’un produit d’épargne paneuropéen de long terme. Ce produit devrait avoir les caractéristiques suivantes : déblocage au moment du départ à la retraite ou à l’occasion de certains évènements de la vie, souscription au sein de l’entreprise avec abondement possible de l’employeur, octroi d’avantages fiscaux, allocation de l’épargne avec 80 % en supports d’actifs européens. Comme Enrico Letta, l’ancien gouverneur propose de faciliter la titrisation. Cette pratique financière permet de transformer des créances ou des prêts détenus par une banque en titres financiers négociables. Cette opération libère le bilan des établissements bancaires, ce qui leur permet de redéployer leurs fonds propres. Le rapport Noyer propose aussi d’assouplir le cadre réglementaire et prudentiel des banques et des compagnies d’assurances en revoyant les directives en vigueur. Les grandes zones économiques sont plus souples que l’Europe ce qui leur permet d’attirer plus facilement des capitaux. Christian Noyer se prononce également en faveur d’une supervision unique des marchés de capitaux européens. L’Autorité européenne des marchés financiers (Esma) n’a actuellement que des pouvoirs limités. Sa gouvernance devrait être revue, avec la création d’un comité exécutif composé d’un nombre restreint de membres permanents.
Le rapport Noyer insiste enfin sur la nécessité d’améliorer le fonctionnement du « post-marché » (les opérations qui sécurisent et valident une transaction boursière) dans la mesure où la chaîne de traitement des opérations sur titres fait intervenir en Europe bien plus d’acteurs qu’aux États-Unis.
En 2023, les rachats d’actions se sont élevés à 1 110 milliards de dollars dans le monde, selon l’étude annuelle réalisée par le gérant Janus Henderson, en baisse de 14 % sur un an. Cette contraction est imputable aux entreprises américaines et en premier lieu à celles du secteur de la haute technologie. L’année dernière Apple a réduit ses rachats d’actions d’un septième, et Microsoft et Meta d’un tiers. Néanmoins, Apple a dépensé 77,6 milliards de dollars pour racheter ses propres titres, représentant 10 % des montants engagés à Wall Street. La hausse des taux d’intérêt a pesé sur les rachats qui sont souvent réalisés par emprunts.
Aux États-Unis comme ailleurs dans le reste du monde, les opérations de rachat d’actions demeurent concentrées. 45 entreprises ont réalisé la moitié des dépenses mondiales l’an dernier en matière de rachat d’actions. En France, BNP Paribas et TotalEnergies ont été à l’origine de plus de la moitié des rachats d’actions, plus de 9 milliards de dollars pour chacune d’entre elle sur un total de 33 milliards de dollars. Ces opérations appréciées des investisseurs donnent lieu à une contestation croissante de la part des pouvoirs publics et des populations. Des projets sont en cours pour en augmenter les coûts ou pour les limiter. Les rachats d’actions sont critiqués car ils favoriseraient les actionnaires au détriment des salariés et des consommateurs. Ils contribuent à financer indirectement d’autres entreprises. Les gains réalisés par les actionnaires peuvent être investis dans des sociétés en forte croissance. Ces rachats participent à la dynamisation des places financières. Ils ont, en revanche, comme inconvénients de réduire le nombre d’actions disponibles. En raison de la faiblesse des émissions, les rachats en Europe, qui ont porté sur 210 milliards de dollars en 2023, ont amené à la plus forte réduction du nombre d’actions de ces trente dernières années. Ils ont conduit a contrario à l’amélioration du rendement des actions européennes, 5 % soit un point de plus que celui constaté aux États-Unis selon S&P 500. Cet écart est une bonne nouvelle pour l’attractivité des places financières européennes.
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