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Les premières semaines de la présidence de Donald Trump mettent les investisseurs sous pression. Les ordres et contre-ordres dans la guerre commerciale rendent toute prévision et projection impossibles. Dans le désordre global dans lequel le président américain plonge le monde, l’économie américaine plie sans rompre. Ainsi, au mois de février, elle a créé 151 000 emplois. Ce nombre est légèrement inférieur aux projections, mais ces dernières heures, les investisseurs craignaient qu’il soit encore plus mauvais. Le taux de chômage est en légère hausse, à 4,1 % de la population active. Concernant la rémunération, la croissance du salaire horaire moyen s’est établie à 4 % en rythme annuel, après +3,9 % en janvier (chiffre révisé à la baisse de deux dixièmes de point) et +4,1 % attendu.
Les stratégies de l’administration Trump pour réduire les effectifs du gouvernement fédéral et la guerre commerciale décousue minent le moral des dirigeants d’entreprise et des ménages. La position édulcorée vis-à-vis du Canada et du Mexique – la Maison-Blanche ayant suspendu les droits de douane sur une partie de leurs exportations – n’a pas rassuré les milieux économiques. La suspension ne court que jusqu’au 2 avril, date à laquelle des tarifs réciproques et l’alignement des tarifs américains sur ceux des pays étrangers sont censés entrer en application. D’ailleurs, Donald Trump menace désormais de s’en prendre économiquement à la Russie en relevant le niveau des sanctions et des droits de douane. Donald Trump apparaît de plus en plus difficile à suivre.
Les indices américains ont de nouveau reculé cette semaine. Le S&P 500 a perdu plus de 3 %, tout comme le Nasdaq. Ce dernier est en recul de plus de 5 % depuis le début de l’année. Les indices européens, quant à eux, ont connu cette semaine de faibles variations.
La semaine a été marquée, par ailleurs, par le recul du prix du pétrole malgré les menaces de nouvelles sanctions américaines à l’encontre de la Russie. Le baril de Brent s’échangeait à 70 dollars vendredi 7 mars, son plus bas niveau depuis 2021, en lien avec la progression à venir de la production des pays de l’OPEP et les stocks élevés aux États-Unis. À partir du mois d’avril, la production des pays exportateurs et de leurs alliés (OPEP+) devrait aboutir au retour sur le marché de 2,2 millions de barils quotidiens. Si le programme de hausse est respecté, au vu de la demande actuelle, un baril à 60 dollars n’est pas impossible.
La Banque centrale européenne (BCE) a décidé, jeudi 6 mars, une baisse de ses taux directeurs d’un quart de point, la sixième depuis juin. À partir du 13 mars, les taux d’intérêt de la facilité de dépôt, des opérations principales de refinancement et de la facilité de prêt marginal seront ramenés respectivement à 2,5 %, 2,65 % et 2,9 %.
Ce nouvel assouplissement était anticipé par les investisseurs, d’autant plus que l’inflation de la zone euro s’établit à 2 %, soit la cible que s’est fixée la Banque centrale. L’inflation sur douze mois s’est établie en février à 2,4 %, contre 2,5 % en janvier. L’inflation sous-jacente (hors prix de l’énergie et des produits agroalimentaires non transformés) a également baissé à 2,6 %, après des mois de stagnation. Les nouvelles projections des économistes de la Banque centrale anticipent une hausse des prix limitée à 2 % début 2026.
Au sein du Conseil des gouverneurs, plusieurs voix s’élèvent en faveur d’un ralentissement du rythme des baisses des taux directeurs, compte tenu des annonces de relance des dépenses publiques de plusieurs gouvernements. L’Allemagne aurait l’ambition d’investir 500 milliards d’euros sur cinq ans dans les infrastructures et la modernisation du pays, et de lever le frein constitutionnel à la dette pour financer le réarmement. Le projet de plan de 800 milliards d’euros au niveau européen, destiné au renforcement de la défense sur fond de désengagement américain, pourrait accroître les tensions sur les taux longs et sur l’inflation. La politique de Donald Trump pourrait également avoir des effets négatifs sur les prix : la guerre commerciale risque de s’accompagner d’une hausse des prix des produits importés. Dans ce contexte, une seule baisse des taux directeurs est désormais attendue d’ici la fin de l’année, contre deux auparavant.
Hausse des taux souverains européens
L’augmentation des besoins financiers des États, liée au réarmement, conduit à une hausse des taux des obligations souveraines. Les taux allemands à 10 ans se sont tendus de 40 points de base durant la semaine, évoluant autour de 2,9 % jeudi 6 mars. Les taux français ont grimpé à 3,60 %, leur plus haut niveau depuis 2011, lors de la crise de la zone euro. En parallèle, la réduction du bilan de la Banque centrale, par laquelle la BCE retire de la liquidité du système financier, constitue également une mesure restrictive.
Aux États-Unis, les contrats à terme sur les Fed funds de la Réserve fédérale continuent de projeter trois baisses des taux directeurs d’ici la fin de l’année (en juin, juillet et octobre). Néanmoins, le président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, a déclaré lors d’un événement organisé par la Booth School of Business de l’Université de Chicago à New York que les responsables de la Fed n’avaient pas besoin de se précipiter pour ajuster leur politique, malgré l’incertitude accrue des perspectives économiques américaines.
Le tableau de la semaine des marchés financiers
Résultats 7 mars 2025 | Évolution sur une semaine | Résultats 29 déc. 2023 | Résultats 31 déc. 2024 | |
CAC 40 | 8 120,80 | -0,03 % | 7 543,18 | 7 380,74 |
Dow Jones | 42 801,72 | -2,50 % | 37 689,54 | 42 544,22 |
S&P 500 | 5 770,20 | -3,32 % | 4 769,83 | 5 881,63 |
Nasdaq Composite | 18 196,22 | -3,84 % | 15 011,35 | 19 310,79 |
Dax Xetra (Allemagne) | 23 001,04 | +2,25 % | 16 751,64 | 19 909,14 |
Footsie 100 (Royaume-Uni) | 8 679,88 | -1,39 % | 7 733,24 | 7 451,74 |
Eurostoxx 50 | -0,21 % | 4 518,28 | 4 895,98 | |
Nikkei 225 (Japon) | 36 887,17 | -3,53 % | 33 464,17 | 39 894,54 |
Shanghai Composite | 3 372,55 | +0,79 % | 2 974,93 | 3 351,76 |
Taux OAT France à 10 ans | +3,547 % | +0,403 pt | +2,558 % | +3,194 % |
Taux Bund allemand à 10 ans | +2,830387 % | +0,443 pt | +2,023 % | +2,362 % |
Taux Trésor US à 10 ans | +4,225 % | +0,001 pt | +3,866 % | +4,528 % |
Cours de l’euro/dollar | 1,0854 | +3,24 % | 1,1060 | 1,0380 |
Cours de l’once d’or en dollars | 2 913,75 | -0,03 % | 2 066,67 | 2 613,95 |
Cours du baril de pétrole Brent en dollars | 70,33 | -3,65 % | 77,13 | 74,30 |
Cours du Bitcoin en dollars | 87 042,97 | +5,27 % | 38 252,54 | 93 776,61 |
Les États européens se sont engagés à accroître sensiblement leur effort de défense pour atteindre a minima 2 % du PIB, voire 3 %. La marche à franchir est haute et suppose une forte mobilisation financière.
La plan de la Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, présenté, le mardi 4 mars dernier à la presse, a été adopté par le Conseil européen exceptionnel du 6 mars. Ce plan prévoit de mobiliser près de 800 milliards d’euros. « L’Europe est prête à fortement augmenter ses dépenses pour la défense, devant les urgences à court terme, l’urgence à soutenir l’Ukraine, mais aussi à faire face aux besoins à long terme d’assumer une plus grande responsabilité pour notre propre sécurité européenne », a déclaré la présidente de la Commission européenne. Elle a confirmé sa volonté de suspendre les règles du Pacte de stabilité et de croissance afin que les États membres puissent augmenter leurs dépenses pour la défense sans engager un processus de déficit excessif. La France qui est déjà placée sous la contrainte de ce processus n’est, de ce fait, pas concernée.
La Présidente de la Commission a annoncé la création d’un « nouvel instrument permettant de dégager 150 milliards de prêts aux États membres » pour investir « mieux et ensemble » dans la défense antiaérienne, les systèmes d’artillerie, les missiles, les munitions, les drones, les systèmes de défenses anti-drones, mais aussi pour faire face à d’autres besoins dans le domaine cyber et dans la mobilité militaire. L’UE veut aussi proposer « des possibilités et des incitations supplémentaires pour les États membres afin qu’ils puissent décider eux-mêmes s’ils souhaitent utiliser les programmes de politiques de cohésion pour renforcer leurs dépenses en matière de défense ». Des mesures visant à mobiliser les capitaux privés sont également prévu avec une accélération de la mise en place d’un grand marché des capitaux et de l’épargne au niveau européens. Le mandat de la Banque européenne d’investissement devrait évoluer afin qu’elle puisse fournir des prêts en matière de défense.
La loi de finances pour 2025 a prévu 60 milliards d’euros pour la défense, soit 2 % du PIB (dont 9 milliards de contributions aux pensions de retraite des militaires). La Loi de Programmation Militaire prévoit une augmentation des dépenses de 3 milliards d’euros par an jusqu’en 2030. Or, cette montée en puissance devra être accélérée afin de pouvoir relever à 3/3,5 % du PIB l’effort de défense comme le demande le Président de la République. Pour respecter cet objectif, chaque année, les dépenses pour les armées devront donc augmenter d’environ 10 milliards d’euros. Elles atteindraient ainsi 100 milliards d’euros en 2029. Or, dans le même temps, l’État doit ramener le déficit public de 6 à 3 % du PIB.
Les pouvoirs publics espèrent sans nul doute qu’une partie de l’effort puisse reposer sur l’Union européenne. Des fonds de cohésion structurels, des fonds de programmes existants non utilisés pourraient être utilisés. La possibilité pour la Commission de lancer des emprunts communs ou d’avoir recours au Mécanisme européen de stabilité a été évoqué.
La piste de l’appel à l’épargne des Français a été avancée par Emmanuel Macron. Plusieurs pistes sont possibles. La première consisterait à reprendre le fléchage du Livret A vers l’industrie de la défense. Cette proposition a déjà fait l’objet d’amendements dans le cadre de la loi de programmation militaire et de la loi de finances pour 2024, amendements adoptés mais annulés par le Conseil Constitutionnel pour une raison de forme, ils n’avaient pas lieu d’être dans les textes en question (cavaliers législatif et budgétaire). Le sénateur Pascal Allizard a déposé une proposition de loi qui reprend le principe de ce fléchage du Livret A ainsi que du Livret de Développement Durable et Solidaire (LDDS) en faveur de la défense, proposition qui a été adoptée au Palais du Luxembourg fin 2023 mais qui attend toujours une première lecture à l’Assemblée nationale. Le fléchage proposé est censé de ne pas réduire l’enveloppe de prêts destinés aux bailleurs sociaux. Le Ministère de l’Économie n’est guère favorable à ce fléchage. Il considère que rien n’interdit les banques de prêter à partir des ressources du Livret A aux PME de la défense. Il craint la multiplication des demandes corporatistes et une gestion de plus en plus complexe du Livret A.
À défaut du fléchage, l’idée de la création d’un Livret d’épargne défense, LED ou Livret Bleu Blanc Rouge à défaut d’être vert kaki a été avancée. Ce Livret pourrait reprendre la philosophie du Livret A. Les ressources collectées pourraient servir de base à des prêts aux entreprises de la défense. Néanmoins, l’équation d’un tel livret n’est pas évidente. Pour attirer les épargnants, un taux de rémunération convenable doit être proposée or plus celui-ci est élevé, plus le coût de la ressource l’est. Or, les entreprises doivent pouvoir bénéficier de prêts avec des taux compétitifs. L’exonération fiscale et sociale qui pourrait être associée à ce type de produit est, de son côté, un manque à gagner pour l’État au moment où il recherche des recettes pour réduire son imposant déficit public.
La création d’un fonds « défense nationale » qui prendrait la forme d’un Organisme de Placement Collectif. Les investisseurs institutionnels pourraient être appelés à souscrire à ce fonds qui pourrait être également proposé aux épargnants (unités de compte dans l’assurance vie ou le Plan d’Épargne Retraite, parts d’OPC sur les comptes titres ou PEA).
Ce fonds pourrait prendre notamment des participations dans des entreprises de la défense ou souscrire à des obligations émises par ces dernières. Les épargnants bénéficieraient des revenus de ce fonds.
Au côté du Label ISR pour la protection de l’environnement pourrait être imaginé un label « souveraineté nationale » qui aurait vocation à inciter les épargnants à choisir les fonds concernés.
Actuellement, selon les chiffres de l’Otan seuls les Pays baltes, la Pologne et la Grèce consacrent plus de 3 % de leur richesse nationale aux dépenses militaires. De leur côté, l’Italie ou l’Espagne réalisent un effort inférieur à 1,5 % de leur PIB.
Les gouvernements dans les périodes de conflit militaire ont fait appel public à l’épargne. En novembre 1915 fut lancé le Premier emprunt de la Défense nationale (novembre 1915). Un taux de 5 % était alors offert. Un deuxième fut lancé en octobre 1916 et a rapporté 11 milliards de francs à l’État. Le troisième emprunt de la Défense nationale, lancé en novembre 1917 a rapporté près de 15 milliards de francs. Enfin, un quatrième fut lancé en octobre 1918 à la fin de la guerre. Il a permis à l’État de récupérer plus de 20 milliards de francs. Ces emprunts étaient soutenus par des campagnes de communication avec des affiches et des slogans patriotiques destinés à convaincre les Français de soutenir l’effort de guerre. Après la fin de celle-ci, les gouvernements mobilisèrent l’épargne des ménages en faveur de la reconstruction. Durant la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement de Vichy lancé également des grands emprunts notamment pour financer les contributions imposées par l’Allemagne nazie. Après 1945, des emprunts pour la modernisation du pays et de l’armée ont été lancés. En 1952, Antoine Pinay, Président du Conseil, décide la création d’un emprunt pour rassurer les épargnants et stabiliser la monnaie. Cet emprunt est indexé sur l’or, garantissant aux souscripteurs une protection contre l’inflation. La hausse du cours de l’or dans les années suivantes a alourdi le remboursement, rendant cet emprunt très coûteux pour l’État. Il en sera de même avec l’emprunt Giscard d’Estaing de 1973.
Avec l’augmentation de ses besoins financiers et la mutation des marchés financiers avec notamment leur digitalisation, l’État a abandonné le recours aux grands emprunts publics préférant recourir à des émissions d’Obligations assimilables du Trésor qui sont souscrites par les établissements financiers de la place. Ces derniers les replacent sur le marché secondaire. Les particuliers n’accèdent aux obligations d’État que de manière indirecte (fonds euros, parts d’Organismes de Placements Collectifs).
Le lancement d’un grand emprunt national pourrait s’avérer coûteux pour l’État tant au niveau de sa distribution que de sa gestion.
Le gouvernement pourrait avoir l’idée d’un emprunt obligatoire auquel devraient souscrire tous les contribuables. Cette option a été utilisée en 1976 avec l’impôt sécheresse qui était remboursé l’année suivante et en 1983. Ce type d’opération n’est pas, pour le moins, très populaire.
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