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Avec les réseaux sociaux et les officines d’ingérence en ligne, quelques mots, imprudemment prononcés, suffisent à créer un vent de panique, ou du moins de peur, au sein de la population. L’orientation et la mobilisation de l’épargne pour la défense ont été perçues, par une partie de la population, comme la volonté du gouvernement de s’en prendre à leur argent chèrement économisé. Le sentiment de défiance à l’égard des pouvoirs publics alimente cette suspicion de préemption de l’épargne. Cette crainte est renforcée par l’endettement croissant de l’État.
Seuls l’impôt et les prélèvements sociaux peuvent, avec l’adoption de mesures législatives, réduire le montant de l’épargne. Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a précisé, dans le cadre de sa jurisprudence, qu’un prélèvement ne pouvait être confiscatoire. Pour autant, les Français ne sont pas rassurés. Peu ont néanmoins vidé leurs placements pour glisser leurs économies sous leur matelas. Le taux d’épargne reste à des niveaux sans précédent depuis une trentaine d’années, hors période Covid. Il s’élève à plus de 18 % du revenu disponible brut. Dans un contexte géopolitique anxiogène, les Français économisent en réduisant leurs achats de biens durables, notamment de voitures. Ils reportent également leurs investissements, d’autant plus que les taux d’intérêt restent élevés.
Face à des messages contradictoires, les Français peuvent, au-delà des fausses informations, être légitimement perplexes. D’un côté, le gouvernement les appelle à consommer afin de relancer la croissance et d’augmenter les recettes de TVA, indispensables à la maîtrise des déficits publics. De l’autre, il les invite à épargner en vue de la défense, afin de faciliter le réarmement du pays, en soulignant que cette orientation de leurs liquidités est évidemment volontaire et non obligatoire. Au-delà des éventuelles incohérences – fruits de la difficile tâche de gouverner en ces temps troublés, surtout en France – l’investissement dans un fonds « bleu-blanc-rouge » constitue-t-il un bon choix ?
Jusqu’à récemment, les entreprises du secteur de la défense étaient boudées, car par nature peu ou pas compatibles avec les critères ESG. Avec l’impérieuse nécessité de moderniser nos équipements militaires, cet argument tend à s’effacer. Même en Europe du Nord, les gestionnaires de fonds sont sur le point de revoir leur politique en la matière. Ces entreprises représentent des valeurs de croissance, bénéficiant de commandes publiques orientées durablement à la hausse. Ce sont des sociétés à forte intensité technologique. L’armement dépend de plus en plus des technologies de l’information et de la communication. Elles disposent d’un fort potentiel de valorisation. La création d’usines, de chaînes de production, de nouveaux avions ou de chars nécessite, évidemment, du temps.
L’investissement dans le fonds défense de la Banque Publique d’Investissement, ou dans ceux créés par des acteurs privés, est de la même façon, et par nature, de long terme. Cependant, les rendements potentiels sont importants. En outre, la France dispose, dans ce secteur, d’un véritable avantage comparatif. Investir dans ces fonds permet de soutenir un pan de l’industrie nationale à haute valeur ajoutée. C’est également, pour les épargnants, une manière d’accéder à la sphère du capital-investissement de manière mutualisée, le fonds prenant des participations dans des entreprises de la défense non cotées ou leur prêtant des sommes pour la réalisation d’investissements.
L’affaire des fausses informations sur l’épargne a malgré tout un effet positif : celui d’avoir permis de mieux expliquer le rôle de l’épargne au sein de l’économie contemporaine. Toute épargne, en dehors de celle placée en or, en bitcoins ou en billets sous un matelas, vit et est productive, en constituant la base des fonds propres et des prêts.
Jean-Pierre Thomas
contact@cercledelepargne.com