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La retraite au temps du storytelling et du clash

Les éditos du Président 10 avril 2019

 La retraite au temps du storytelling et du clash

L’édito d’avril de Jean-Pierre Thomas, Président du Cercle de l’Épargne

La réforme des retraites prend l’allure d’une bataille napoléonienne. Le Gouvernement pratique la guerre de mouvement. Au fil des semaines, il égrène les thèmes en donnant quelques lignes de la future réforme. Il dessine sans y toucher ainsi un cadre. Il occupe l’espace empêchant les partenaires sociaux de prendre réellement position. Ces derniers commencent néanmoins à être de plus en plus nerveux face à cette guerre de mouvement permanent. Le gouvernement procède, avant tout, par effet de souffle en avançant une idée iconoclaste, idée qu’il retire rapidement du débat afin de desserrer l’étreinte des tensions sociales. Il abuse ainsi du storytelling et du clash, les deux fondements de la communication dite moderne. Ce scénario intervient en parallèle au grand débat public lancé après les manifestations des « gilets jaunes ». Il est assez étrange que la réforme de l’assurance vieillesse qui concerne toute la société ne soit pas au cœur de ce fameux débat public d’autant plus que la hausse de la CSG sur les retraités a été, avec les taxes sur le gazole, un des éléments déclencheurs du mouvement.

Le Gouvernement ne souhaite pas préciser ses positions sur les retraites de peur de cristalliser les oppositions. Il opte depuis plus d’un an pour une démarche toute impressionniste. Par petites touches, il compose sa peinture. Jusqu’à maintenant, , il faut l’avouer, l’exercice est plutôt réussi car aucun front ne s’est constitué contre le futur régime universel à points. Il est vrai que Jean-Paul Delevoye, le Haut-commissaire à la réforme des retraites, pratique le déminage comme nul autre. Il a ainsi admis que les indépendants continueront à cotiser comme des indépendants et que les bénéficiaires des régimes spéciaux conserveraient dans le nouveau régime leurs spécificités. Ce sera donc un régime universel à la carte ; c’est pour cela qu’il ne sera pas unique. La question de l’âge de départ à la retraite constitue le premier point d’achoppement. Le Président de la République avait promis de ne pas y toucher. Mais, avec l’abandon des trimestres de cotisation, il apparaît nécessaire de trouver un dispositif permettant d’inciter les actifs à rester en activité. Par ailleurs, l’accumulation des demandes de nouvelles dépenses sociales contraint le pouvoir à trouver des économies compensatrices. Dépendance, allègement de CSG, TVA à taux zéro, revalorisation des minimas, la liste est longue…

Sur d’autres terrains, la technique du Gouvernement est plus efficiente.  Ainsi, Jean-Paul Delevoye a annoncé que le taux de cotisation serait de 28 % pour les employeurs publics et privés. Cela reviendra à réduire le coût de la retraite pour l’État dont le taux virtuel de cotisation est selon le Conseil d’Orientation des Retraites, de plus de 73 %. Avec le gain ainsi obtenu, que feront les dirigeants de l’État ? Diminueront-ils les prélèvements, réduiront-ils le déficit, la dette ? Il en est de même pour les entreprises publiques relevant des régimes spéciaux (SNCF, RATP, EDF, etc.). Sur l’épineuse question du mode de calcul des pensions pour ceux ayant commencé à cotiser dans les anciens régimes, pour le moment, c’est silence radio ou presque. En fonction de la formule qui sera utilisée, il y aura des gagnants et des perdants. Comment seront indemnisés le cas échéant ces derniers ? La dévolution des réserves constituées par les caisses de retraite est un sujet également complexe. L’État est tenté de capter ces réserves justement pour effectuer des compensations. Or, elles sont issues des cotisations des assurés de chacune des caisses qui sont dotées d’une personnalité morale de droit privé et de conseils d’administration responsables. Il n’est pas juridiquement simple de préempter ces réserves, sauf à passer par un processus de nationalisation. Autre point qui pour le moment est en suspens, la gouvernance. La retraite sera-t-elle étatisée, offrant à l’État la possibilité de doubler d’un coup de baguette magique son budget ? Les partenaires sociaux qui n’ont pas démérité dans la gestion des caisses depuis 1945 seront-ils sortis du jeu ou seront-ils associés ? Peuvent-ils rester des acteurs majeurs à partir du moment où l’État tiendra tous les leviers ?

Le calendrier pour résoudre toutes ces questions est très serré. Entre les élections européennes et les municipales, la partie sera haletante. Il est à parier que l’État continuera de tisser son scénario émaillé de quelques coups médiatiques comme autant d’actes de fixation permettant de passer une étape.

À lire dans le Mensuel N°60 d’avril 2019

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