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La finance peut-elle être verte ?

Epargne 7 mars 2023

Questions à Philippe Crevel, Directeur du Cercle de l’Epargne

Au niveau européen, la transition énergétique devrait coûter plus de 11 000 milliards d’euros d’ici 2030. Pour la financer, la Commission européenne compte mobiliser l’épargne des ménages. Quelles mesures les autorités européennes et les États ont adoptées afin de rendre l’épargne verte ? 

La réorientation de l’épargne vers des placements durables est au cœur des priorités de la Commission européenne et plus globalement de l’ensemble des États membres de l’Union européenne. Les compagnies d’assurance sont également à a manœuvre pour réorienter l’épargne vers des placements permettant une décarbonation de l’économie. Sur le terrain de la législation, plusieurs dispositions sont en cours de déploiement en France que ce soit à travers le règlement européen sur la transparence financière (SFDR -« Sustainable Finance Disclosure Regulation », la taxonomie ou encore la réforme du label ISR prévue pour cet été.

La taxonomie européenne désigne une classification des activités économiques en fonction de leurs conséquences sur l’environnement. Son objectif est d’inciter à la réalisation d’investissements accélérant la décarbonation.

La finance durable, est-ce crédible ? 

Selon la banque de France, fin 2021, l’encours des actifs verts, socialement responsables ou solidaires, y compris les fonds Relance, s’élevait à 262,5 milliards d’euros, soit 9 % des placements des assureurs. Ils sont constitués aux trois quarts (74,8 %) de fonds labellisés ISR et au cinquième (19,9 %) d’obligations vertes. Les 5,3 % restants sont composés de fonds labellisés Relance (2,0 %), de fonds labellisés Greenfin (1,0 %), de fonds labellisés Finansol (0,2 %) et de fonds multi-labellisés(2,1 %).

La finance durable est de plus en plus surveillée tant par les pouvoirs publics que par les ONG. Le greenwashing est traqué et dénoncé. La finance durable n’est pas toujours évidente à appréhender en raison de sa complexité.

Trois catégories peuvent être distinguées  :

  • la finance solidaire qui représente moins de 0,4  % de l’épargne des ménages ; 
  • la finance ISR-ESG qui se développe du fait de la transformation des fonds proposés par les acteurs financiers ; 
  • la finance verte au sens européen du terme et du règlement européen sur la transparence financière et ses articles 8 et 9. 

Trois grands labels permettent de classer les fonds :

  • Le label Finansol est le plus ancien. Créé en 1997, il favorise les aspects sociaux et environnementaux et vise à soutenir des entreprises solidaires (création d’emplois durables, accès au logement, soutien à l’agriculture bio…). Près de 170 fonds sont aujourd’hui labellisés. 
  • Le label Greenfin est un label d’État lancé en 2015 par le ministère de l’Écologie. Pour l’obtenir, les fonds doivent œuvrer pour la transition écologique et investir dans l’un des 8 secteurs clés. On y trouve les énergies renouvelables, le bâtiment, la gestion des déchets, l’industrie, les transports propres, les nouvelles technologies, l’agriculture et la forêt ainsi que l’adaptation au changement climatique. 95 fonds sont titulaires de ce label. 
  • Le label ISR est également un label d’État, créé en 2016 par le ministère de l’Économie. Destiné aux fonds d’investissement et aux supports immobiliers type SCPI et OPCI, il atteste que les gestionnaires effectuent une sélection d’investissements en fonction de critères environnementaux sociaux et de gouvernance, abrégés critères ESG. Plus de 1100 fonds sont labellisés. Selon le site du Label ISR, l’ensemble de ces fonds labellisés pèse 695 milliards d’euros, répartis en 440 milliards d’euros pour les fonds de droit français et 255 milliards d’euros de fonds étrangers. Cet encours est un peu exagéré car il intègre des OPC monétaires dont le caractère « vert » est contestable. Il intègre également des fonds étrangers qui ne sont pas totalement commercialisés en France.

Comment les épargnants peuvent-ils accéder à des produits verts ? 

Les épargnants ont de nombreuses possibilités pour accéder à des produits verts. Ils peuvent le faire en acquérant des parts d’OPC ou des unités de compte. Depuis le 1er janvier 2022, les assureurs doivent présenter à leurs clients dans le cadre des contrats multi-supports au moins une unité de compte adossée à un fonds bénéficiant du label ISR, au moins une unité de compte adossée à un fonds labellisé Greenfin et au moins une unité de compte adossée à un fonds solidaire labellisé Finansol. Certains assureurs proposent également des fonds euros labellisés « vert ». Il ainsi possible d’avoir une gestion ISR complète dans les contrats d’assurance vie ou dans les PER. 

Les obligations « vertes » connaissent un essor important. La zone euro, avec 185 milliards d’euros émis en 2021, représente à elle seule 39 % du marché mondial des émissions vertes. Au sein de la zone euro, la France a joué un rôle moteur en étant à l’origine de la première obligation verte souveraine émise dans le monde en janvier 2017. Avec l’Allemagne, la France est l’un des principaux émetteurs d’obligations vertes. 

Le Livret de Développement Durable et Solidaire tend également à financer des PME ayant des projets visant à réduire leur empreinte carbone.

Les épargnants français sont-ils prêts à jouer le jeu des fonds ISR ? 

Dans les enquêtes d’opinion, les épargnants déclarent être favorables à la finance verte mais avouent être un peu perdus face à la multitude de labels. Si selon une enquête IFOP, 60  % de Français déclaraient accorder une importance à l’impact environnemental et social de leurs placements, la notion d’épargne « responsable » reste floue pour 2 Français sur 3 selon une autre enquête menée par Opinionway pour l’Autorité des marchés financiers (AMF). Malgré tout, les comportements des épargnants changent rapidement. Les générations Y et Z, fortement sensibilisées aux questions environnementales, sont en attente de produits d’épargne en phase avec leurs convictions et leurs engagements.

La taxonomie, le SFDR et la refonte du label ISR permettront-ils d’amplifier le succès de l’épargne verte ? 

En 2018, la Commission européenne a adopté son premier plan d’action pour la finance durable. Elle avait comme objectifs de réorienter les flux de capitaux vers des investissements durables en matière environnementale, sociale et de gouvernance. Ses deux priorités étaient : 

  • d’intégrer la durabilité dans la gestion des risques ; 
  • de favoriser la transparence et une vision long terme. 

Le règlement « Taxonomie » fixe un cadre commun aux entreprises financières et non financières membres l’Union européenne, afin de partager une même définition de la durabilité, et de lutter contre les pratiques d’écoblanchiment (connu sous le nom de « greenwashing »).

Le règlement européen sur la transparence financière (SFDR) établit un classement en fonction des déclarations des gestionnaires des labels qui certifient les fonds. 

Trois catégories de fonds ou placements sont distingués : 

  • les placements dits « Article 8 » qui déclarent la prise en compte de critères sociaux et/ou environnementaux ;
  • les placements dits « Article 9 » qui présentent un objectif d’investissement durable, à savoir un investissement dans une activité économique qui contribue à un objectif environnemental ou social, sans causer de préjudice significatif à d’autres objectifs environnementaux ou sociaux, et dans une entreprise qui applique de bonnes pratiques de gouvernance ; 
  • les placements dits « Article 6 », concernent, par élimination, tous les autres placements (qui ne sont donc ni « Article 8 » ni « Article 9 »). 

Le SFDR donne lieu à plusieurs critiques car il laisse une large place à l’interprétation des gestionnaires d’actifs et ne définit pas, de manière précise, la notion d’investissement durable. En raison des nombreuses incertitudes liées à ce règlement, les gestionnaires d’actifs ont déclassé des fonds de l’article 9 pour les placer en article 8. Le montant global des encours « article 9 » a diminué, en France, de 40  % au quatrième trimestre 2022. Afin d’améliorer la situation, l’Autorité des marchés financiers propose que la Commission européenne introduise des critères minimaux sur les conséquences des placements sur l’environnement afin de faciliter leur classement. Le régulateur français propose également qu’une proportion minimale des actifs en portefeuille pour les fonds classés « article 9 » soit en phase avec la taxonomie européenne. Les investissements des fonds sous « article 9 » devraient réellement être affectés à l’atténuation et à l’adaptation au changement climatique. Enfin les acteurs financiers qui gèrent des fonds classés articles 8 et 9 devraient adopter une approche ESG (économique, sociale et de gouvernance). L’AMF propose enfin d’exclure des fonds article 9 « les investissements dans les activités du secteur des combustibles fossiles qui ne sont pas alignées avec la taxonomie européenne » et de les tolérer dans les produits article 8, à condition de justifier une démarche de transition. 

L’autre chantier en cours en France est la refonte du label ISR qui se veut plus exigeant que le SFDR. La réforme poursuit un double objectif : limiter le greenwashing et assurer la crédibilité du label. Le processus de labellisation ISR est déjà exigeant. Disposant d’un cahier des charges assez précis, il comporte six catégories d’exigences. Les certifications sont délivrées par des organismes indépendants certifiés par le Comité français d’accréditation. D’ici quelques mois, l’obtention du label ISR sera rendue encore plus difficile. Les candidats à la labellisation devront soumettre un plan d’action concret concernant la réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre. Les sociétés appartenant au secteur des énergies fossiles et du charbon seront exclues. Des indicateurs devront obligatoirement être mis en place pour mesurer les effets réels des portefeuilles sur les questions sociales, environnementales et de bonne gouvernance.

En termes de rentabilité, les fonds verts sont-ils intéressants pour les épargnants ?

Longtemps, ils ont été jugés moins intéressants que les fonds classiques mais les écarts tendent à se réduire, l’offre s’étant élargie. Les secteurs des énergies renouvelables commencent à devenir rentables et à générer des bénéfices. Tesla prouve également que les placements verts peuvent rapporter de l’argent même s’ils ne sont pas à l’abri de la spéculation. Sur le long terme, les placements ISR offrent potentiellement des gains plus importants que les autres. L’augmentation des capitaux qui sont affectés à la transition énergétique ne peut qu’améliorer la rentabilité de ces placements.

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