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La Bourse de Paris, du système de Law à la crise sanitaire en passant par Napoléon

Epargne 9 juin 2021

Napoléon, dont on a célébré le bicentenaire de la mort le 5 mai 2021, a révolutionné les arts militaires et l’administration française. Il a également été à l’origine de la Bourse de Paris. Il a, en effet, posé, en 1808, la première pierre du Palais Brongniart, conçu par l’architecte Alexandre-Théodore Brongniart. Napoléon estimait que la capitale devait disposer d’une bourse qui, à ses yeux, était une institution d’ordre public. Elle devait jouer le rôle de « thermomètre de la confiance publique » notamment à travers la cotation des rentes à 5 % provenant du tiers consolidé de la banqueroute des deux tiers votée sous le Directoire (dette liée aux assignats). Le bâtiment a été finalement inauguré sous la Restauration le 4 novembre 1826. Il reste le siège de la Bourse de Paris jusqu’en 1998.

Les premières sociétés par actions en France datent du milieu du XVIIe siècle avec la création de la Compagnie des Indes occidentales, créée en 1664, ainsi que la « Compagnie d’Afrique » et la banque générale de John Law font en 1716.

La première bourse française fut créée à Lyon en 1540 par des marchands. Paris fit de même en 1563. Elle s’installe en 1613 dans un bâtiment spécialisé, sur le lieu des échanges, au pont Neuf. En Italie, les échanges s’effectuent également sur des ponts le Ponte Vecchio à Florence et le Rialto à Venise. Ces bourses n’étant pas réellement réglementées, elles donnaient alors lieu à des mouvements spéculatifs.

Au XVIIIe siècle, la France fut le théâtre d’un important scandale financier provoqué par l’effondrement du système de Law, du nom d’un banquier écossais.

Appelé par le Régent, John Law, ayant accumulé un capital grâce au jeu, établit un système fondé sur la circulation de papier-monnaie et est autorisé à créer, sur le modèle de la Banque d’Angleterre, la Banque générale, dont le capital est, en partie, payable en titres d’État. Ce système est censé permettre l’amortissement de la dette publique, ainsi que le développement économique du royaume via le commerce et l’expansion du crédit. Ce système fut mis en place à partir de 1716 avec comme objectif l’assainissement des finances publiques françaises. La dette publique française représentait alors dix années de recettes fiscales, soit le même ratio qu’en 2021 ! La Banque générale, institution privée, émet des billets contre de l’or. Ces derniers, convertibles en or, obtiennent rapidement cours légal et peuvent être reçus en paiement des impôts. La Banque devient Banque Royale officiellement à partir du 1er janvier 1719. Les billets sont alors garantis par l’État, se substituent aux pièces de monnaie. En parallèle, à partir de 1717, John Law contrôle une part croissante des échanges de la France à travers la création de la Compagnie d’Occident, rapidement dénommée la Compagnie du Mississippi et qui bénéficie du monopole sur l’exploitation commerciale des ressources de la Louisiane française. Cette société rachète d’autres compagnies d’exploitation des colonies et finance son expansion par des augmentations de capital, payables, au moins en partie, par des billets d’État, ce qui contribue à réduire la dette publique. Du fait d’un mélange des genres entre activité d’émission de monnaie fiduciaire, perception des impôts et négoces, une spéculation sur les actions de la Compagnie se développe. John Law promet des bénéfices commerciaux et des dividendes importants aux actionnaires. La bulle s’accélère quand Law est nommé contrôleur général des Finances en janvier 1720. D’une valeur nominale de 500 livres, le cours des actions de la Compagnie dépasse la barre des 9 000 livres au début de l’année 1720. La bulle éclate quand les résultats de l’exploitation commerciale des colonies se révèlent décevants, entraînant des demandes importantes d’échanges des billets en or. Le 17 juillet 1720, la banque est en état de banqueroute. Une bousculade, rue Vivienne à Paris devant les guichets de la Banque Royale, provoqua la mort d’une quinzaine de personnes et précipita la chute du Système de Law, la première expérience de papier-monnaie en France.

En réaction, le pouvoir royal édite un décret en 1724 afin de réglementer les activités boursières. Les opérations à terme sont ainsi interdites, elles le resteront jusqu’en en mars 1885. Ce scandale contribuera à la méfiance légendaire des Français vis-à-vis des marchés actions et plus globalement vis-à-vis de la finance.

Cette défiance s’exprima dans les œuvres de plusieurs grands auteurs dont Émile Zola, Honoré de Balzac ou Georges Duhamel. Dans L’Argent, Émile Zola écrit : « des passants tournaient la tête dans le désir et la crainte de ce qui se passait au Palais Brongniart, ce mystère des opérations financières que peu de cervelles françaises pénètrent, ces ruines, ces fortunes brusques, qu’on ne s‘explique pas. ». Georges Duhamel écrivait un peu plus tard « Êtes-vous jamais entré dans cette maison de fous qu’on appelle à Paris la bourse ? ».

Le scandale de Law n’empêcha pas la Bourse de Paris de connaître d’autres épisodes spéculatifs. Ainsi, au milieu du XIXsiècle, la Bourse de Paris est confrontée aux mouvements spéculatifs liés au lancement des premières grandes lignes ferroviaires.

Dans les années 1870, la Bourse de Paris est la plus active au monde après celle de Londres. 6 valeurs étaient cotées en 1815, 1989 en 1847. Sous la Monarchie de juillet, la capitalisation des entreprises cotées a doublé. En 1891, un million de ménages détiennent des actions des compagnies ferroviaires. Les actions des valeurs cotées à la Bourse de Paris représentaient, en 1813, 78 % du PIB loin devant les États-Unis ou l’Allemagne. La capitalisation française croît de 87 % entre 1895 et 1899 et de 375 % de 1910 et 1913.

À la veille de la Première Guerre mondiale, un tiers de l’épargne française sera placé en emprunts russes. La banqueroute de la Russie avec la prise de pouvoir de Lénine ainsi que la crise des années 1930 qui s’accompagne de la faillite des rentiers constituent deux évènements qui marquèrent des générations d’épargnants. Le nombre d’actionnaires a alors fortement décru au point qu’ils n’étaient plus que 1,7 million en 1982. Depuis, ce nombre a augmenté légèrement pour atteindre, en 2020, un peu plus de 3 millions. Le début des années 2000 fut marqué par un nouveau mouvement spéculatif de grande ampleur avec la bulle Internet. De nombreux Français ont alors investi dans des start-up qui ont connu des valorisations sans aucun lien avec leur chiffre d’affaires et leurs résultats. L’éclatement de cette bulle a conduit au départ de très nombreux actionnaires particuliers. La crise financière de 2008 entraîna un nouvel exode. Depuis 2019, avec la baisse du rendement des produits de taux, les Français renouent avec le marché « actions » comme l’a prouvé le succès de la privatisation de la Française des Jeux. Les Français sont, par ailleurs, très présents sur le marché des Organismes de Placement Collectif, leur encours dépassant 150 milliards d’euros. La crise sanitaire de 2020 a vu l’arrivée de nouveaux actionnaires qui, au moment de la baisse des cours, ont effectué des achats opportunistes. Ces actionnaires sont plus jeunes qu’auparavant et opèrent souvent en ligne. Ainsi, en 2020, plus de 400 000 nouveaux actionnaires ont été dénombrés par l’Autorité des Marchés Financiers. De début janvier à la fin mars 2021, quelque 772 000 particuliers ont acheté ou vendu des actions, un nombre en hausse par rapport au quatrième trimestre 2020 et se situant au plus haut niveau depuis un an. Plus de 600 000 investisseurs particuliers ont réalisé au moins un achat d’actions au cours du trimestre écoulé, près du double des niveaux observés en 2019 (hors quatrième trimestre). Le nombre de nouveaux investisseurs, n’ayant jamais passé d’ordre de Bourse jusqu’ici ou inactifs depuis janvier 2018, s’est élevé à 70 000, en progression par rapport aux deux trimestres précédents.

Le nombre de transactions réalisées par des particuliers en France sur des actions admises aux négociations en Europe a également atteint un niveau record au premier trimestre, à 18,2 millions, dans le prolongement des volumes élevés constatés en 2020. Plus de 60 millions de transactions avaient été alors enregistrées sur l’année, contre 25 millions les années précédentes. La bonne tenue des marchés « actions » incite les Français à acquérir des actions surtout dans un contexte de taux bas. Par ailleurs, la crise sanitaire ayant accru leur épargne, de plus en plus de Français optent pour en affecter une partie dans les actions. Ce comportement est en rupture avec celui constaté lors des précédentes crises. Les Français avaient, par le passé, tendance de vendre en période de récession et à mettre beaucoup de temps pour revenir sur les marchés « actions ». La crise situation de 2021 diffère de celle de 2008 ou de 2012. S’agissant d’une crise sanitaire et non financière, la baisse des indices « actions » a été brutale mais de courte durée avec une compensation très rapide par rapport aux crises précédentes. Les ménages n’ont jusqu’à présent pas subi de pertes de pouvoir d’achat, ce dernier ayant même augmenté en 2020. De ce fait, un nombre non négligeable de ménages disposent de marges financières pour placer leur épargne sur le long terme. La crise sanitaire a fait émerger une nouvelle clientèle sur les marchés « actions », plus jeune, plus connectée et plus prompte à réaliser des plus-values en misant sur les valeurs de marché.

A lire dans le Mensuel N°86 de juin 2021

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