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L’immobilier est un territoire propice à l’intelligence artificielle (IA) en raison du grand nombre de données que la pierre peut générer. L’IA s’invite dans le travail des agents immobiliers et des notaires, tout en révolutionnant la construction.
La vente ou l’achat d’un appartement, c’est avant tout la rencontre entre une offre et une demande, chacune conditionnée par des attentes spécifiques. L’acheteur recherche un logement correspondant à ses besoins et à un budget prédéfini, tandis que le vendeur estime souvent que son bien est unique et souhaite en tirer le meilleur prix.
L’estimation d’un bien a longtemps relevé du jugement humain, mélange d’expérience, d’intuition et de sens du marché. L’agent, tel un orfèvre, évaluait la lumière, le cachet, la réputation d’une rue ou la proximité d’une école réputée.
Pour déterminer le prix des 38,2 millions de logements que comptait la France au 1er janvier 2024, l’intelligence artificielle peut être d’un grand secours. Des plateformes comme Zillow, aux États-Unis, ou MeilleursAgents, en France, exploitent des bases de données massives : prix au mètre carré, transactions notariales, données cadastrales, orientation du logement, niveaux de bruit, pollution, criminalité, offre scolaire, jusqu’à la qualité de la connexion Internet. Zillow, par exemple, a mis au point le Zestimate, un modèle d’apprentissage profond analysant plus de 300 millions de points de données. Il ajuste automatiquement les prix des logements américains en fonction de l’évolution des marchés locaux. En France, la base DVF (Demande de valeurs foncières), mise en ligne par l’État, alimente désormais les algorithmes d’estimation. Les écarts entre l’estimation automatique et la vente réelle se réduisent : dans les grandes villes, l’écart moyen est inférieur à 3 %.
Grâce aux logiciels, les agents immobiliers peuvent désormais classer les appartements répondant le mieux aux attentes de leurs clients. Ils gagnent un temps précieux en limitant, par exemple, le nombre de visites. L’IA permet également de générer des visuels attractifs en plaçant virtuellement des meubles et des objets dans les biens à vendre. La recherche d’un logement s’est transformée en expérience numérique assistée par IA. Les plateformes — de SeLoger à Bien’ici, en passant par les nouveaux entrants comme Casavo — analysent le comportement des utilisateurs : temps passé sur chaque annonce, type de photo cliquée, mots-clés saisis. L’IA apprend, anticipe et propose avant même la demande.
Des agents virtuels, tels que ChatCasa aux États-Unis ou HosmanBot en France, dialoguent 24 heures/24 avec les utilisateurs, répondent aux questions, planifient des visites, suggèrent des quartiers alternatifs et filtrent les fraudes. L’IA accentue ainsi la concentration du marché entre les mains de quelques grandes plateformes capables d’agréger et de traiter un volume considérable de données.
Elle assiste également les agents immobiliers dans la rédaction des documents — promesses de vente, compromis ou offres d’achat — en vérifiant automatiquement les clauses et les obligations légales.
L’achat ou la vente d’un bien immobilier suppose, en France, le passage devant un notaire, garant de la validité juridique et financière de l’opération. L’intelligence artificielle pourrait profondément transformer ce métier.
Le notariat français est déjà largement numérisé — acte authentique électronique, signature à distance, visio-comparution, bases de données interconnectées (Perval, BIEN, Fichier immobilier, etc.).
L’IA permettra d’automatiser la rédaction des actes (donations, ventes, successions, PACS, etc.) en s’appuyant sur les modèles réglementaires et les données du dossier. Les algorithmes pourront vérifier la cohérence des clauses, la validité des pièces, le respect des délais légaux et la présence des mentions obligatoires, réduisant considérablement le risque d’erreur.
À terme, les systèmes de blockchain ou de registres distribués offriront une certification directe et infalsifiable des actes, sans passer par de multiples vérifications croisées. Le notaire deviendra moins un rédacteur qu’un superviseur de la conformité juridique.
L’IA ne se limitera pas à la technique : elle transformera aussi la dimension patrimoniale du métier. Le notaire pourra jouer un rôle plus actif dans les stratégies d’optimisation du patrimoine des ménages, entrant ainsi en concurrence avec les conseillers en gestion de patrimoine.
L’IA s’invite désormais dans les immeubles, des plans à la construction, jusqu’à l’entretien.
Les logiciels de « generative design » (comme Autodesk Generative Design ou Spacemaker AI, racheté par Autodesk) utilisent des algorithmes capables de proposer des milliers de variantes d’un même projet, selon des critères précis : ensoleillement, orientation, circulation de l’air, consommation énergétique, contraintes réglementaires, coûts, etc.
À Toronto, Sidewalk Labs (filiale d’Alphabet) a utilisé ce type d’IA pour concevoir des quartiers entiers optimisant lumière naturelle, densité et mobilité douce. Grâce à des IA de simulation thermique ou lumineuse, les performances énergétiques et environnementales peuvent être évaluées dès la phase d’esquisse.
L’IA ne se limite plus à l’optimisation : certains architectes expérimentent des IA génératives (type DALL·E, Midjourney ou Stable Diffusion) pour imaginer des formes inédites, des textures ou des atmosphères. Au stade de la construction, les algorithmes prédictifs permettent d’optimiser la chaîne d’approvisionnement et les plannings de chantier :
Des plateformes comme Buildots ou Disperse utilisent la vision par ordinateur pour comparer l’état réel du chantier (capté par caméras 360°) au planning BIM (Building Information Modeling).
Des drones couplés à des IA surveillent les chantiers en temps réel pour détecter les anomalies ou les risques de sécurité (absence de garde-corps, zones de chute, etc.). La reconnaissance d’images permet également d’identifier les défauts de construction ou les écarts de tolérance.
Les robots bâtisseurs comme Hadrian X (Australie) posent des briques avec une précision millimétrique, tandis que l’impression 3D béton, couplée à l’IA (ICON, Apis Cor), permet déjà de construire des maisons en quelques jours, avec moins de déchets et un coût réduit de 30 à 50 %.
Une fois le bâtiment livré, des systèmes d’IA analysent en continu les données issues de capteurs (température, humidité, consommation, vibrations) pour prévoir les pannes avant qu’elles ne surviennent. La smart maintenance, déjà utilisée dans les bâtiments tertiaires, se généralise progressivement dans le logement collectif. Dans les résidences haut de gamme, des applications domotiques — telles que Home OS ou SmartHab — permettent de piloter lumières, volets et sécurité à distance. L’IA régule le chauffage, la ventilation et la climatisation selon l’occupation réelle et le comportement des habitants. Des solutions comme DeepMind Energy (Google) ont démontré qu’il était possible de réduire de 15 à 30 % la consommation énergétique des bâtiments.
Le secteur immobilier mobilise des capitaux considérables, en raison des coûts du foncier et de la construction. Les opérations reposent sur la coordination de nombreux acteurs. L’IA peut assister aussi bien les promoteurs et établissements financiers que les particuliers.
Les algorithmes de « scoring », utilisés par des fintechs comme Masteos, Pretto ou Younited, évaluent désormais le risque d’un emprunteur non plus seulement à partir de son revenu, mais de son comportement digital : stabilité de l’emploi, historique de paiement, géolocalisation des dépenses, voire habitudes de navigation.
L’IA est également mobilisée pour modéliser des scénarios d’investissement. Des plateformes comme Bricks.co ou RealT simulent l’impact d’une hausse des taux, d’un changement de fiscalité ou d’une vacance locative prolongée. Les investisseurs peuvent tester différentes stratégies, mesurer la sensibilité de leur portefeuille et arbitrer avec une rigueur quasi scientifique.
Le crowdfunding immobilier, qui a levé plus de 2 milliards d’euros en France en 2024, s’appuie déjà sur l’IA pour sélectionner les projets solides et repérer les fraudes. Les modèles évaluent la cohérence entre le plan de financement, le profil du promoteur et la dynamique locale du marché. L’immobilier, secteur traditionnel de l’économie, entre ainsi de plain-pied dans l’ère digitale. L’IA peut générer des gains de productivité considérables dans un domaine qui en a longtemps manqué. Face à la crise du logement et à la rareté du foncier, le recours à l’innovation devient une nécessité pour contenir la hausse des prix et préserver l’accès à la propriété
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