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Fiscalité et patrimoine : quelles réformes ?

Epargne 10 décembre 2025

Le Conseil des Prélèvements Obligatoires (CPO), dans son rapport sur l’imposition du patrimoine publié le 1er décembre 2025, souligne la progression du montant des patrimoines, liée au vieillissement démographique et à la forte valorisation des actifs immobiliers et financiers enregistrée ces dernières années. Le patrimoine net des ménages représentait 6 fois leur revenu disponible en 2021, contre 4,5 fois en 2000.

La France connaît une concentration du patrimoine plus faible que dans plusieurs pays de l’OCDE : le décile le plus aisé détient 60 % de la richesse nationale et le 1 % le plus riche en détient 27 %, contre respectivement 70 % et 35 % aux États-Unis.

Une fiscalité pesante et inéquitable

L’imposition du patrimoine est, en France, relativement élevée par rapport à celle constatée dans l’OCDE. Elle s’est élevée à 113,2 milliards d’euros en 2024 et progresse légèrement plus vite que la valeur du patrimoine depuis 30 ans.

L’imposition de la détention et de la transmission du patrimoine (64,3 milliards d’euros) représente 0,4 % du patrimoine total des ménages, tandis que l’imposition des revenus du patrimoine (48,9 milliards d’euros) équivaut à 11,6 % de ces revenus.

Le CPO souligne, à juste titre, que la fiscalité du patrimoine est à la fois lourde et inéquitable. Son poids varie fortement selon la structure des actifs détenus et les possibilités d’optimisation auxquelles seuls certains ménages ont accès.

Pour une fiscalité plus neutre

Le Cercle de l’Épargne défend un principe simple : une fiscalité reposant sur une assiette large, comportant le moins d’exonérations et d’abattements possible, associée à des taux faibles. L’objectif est de promouvoir une fiscalité neutre sur le plan économique, limitant les stratégies d’optimisation et favorisant une allocation efficiente du capital.

Le CPO relance, dans le prolongement du débat parlementaire, la discussion sur la taxation des hauts revenus et des hauts patrimoines. Il souligne la nécessité d’une meilleure appréhension des revenus économiques et du patrimoine réellement détenu par les ménages les plus aisés. L’instauration de dispositifs différentiels et une réflexion européenne sur la taxation des bénéfices remontant aux holdings sont évoquées.

Des droits de succession à revoir

En France, plus de 50 % des successions sont exonérées de droits. Comme souvent dans le système fiscal français, les ménages modestes sont totalement exonérés tandis que les ménages aisés bénéficient de régimes dérogatoires (pacte Dutreil, holdings familiales).

Le CPO propose de limiter certaines niches fiscales, notamment le pacte Dutreil, sans pour autant recommander une refonte complète des droits de succession. Il préconise de moderniser le barème des droits de mutation à titre gratuit afin de tenir compte de l’évolution des structures familiales. Il suggère également une réduction modérée des taux actuels — réduction qui pourrait être plus significative pour rapprocher la France des pratiques observées à l’étranger.

Plus-values immobilières : vers une imposition générale avec indexation sur l’inflation

Les abattements pour durée de détention sur les résidences secondaires, qui aboutissent à une exonération totale au bout de trente ans, contribuent à figer le marché et encouragent certains ménages à requalifier abusivement un bien en résidence principale au moment de la vente. L’abandon de ces abattements, compensé par une indexation du prix d’achat sur l’inflation, constituerait un progrès. À cet égard, un indice spécifique lié à l’immobilier — par exemple l’indice du coût de la construction — pourrait être retenu.

Se pose également, dans une logique de neutralité économique, la question de l’imposition des plus-values sur les résidences principales afin d’éviter les distorsions actuelles.

Assurance vie : pourquoi toucher à ce qui fonctionne ?

42 % des ménages disposent d’un contrat d’assurance vie, principal outil d’épargne longue en France. À ce titre, elle bénéficie, comme le PEA ou le Plan d’Épargne Retraite, d’un régime fiscal spécifique. L’assurance vie permet en outre de désigner librement des bénéficiaires, parfois en dehors des règles successorales classiques, évitant des droits pouvant atteindre 60 %.

Le CPO propose de remettre en question cet avantage dérogatoire, qui résulte largement du niveau élevé des droits de succession en France. Toute réforme en ce sens supposerait, au préalable, une véritable décrue des droits de succession pour ne pas désorganiser l’épargne longue.

Pour une fiscalisation partielle du Livret A

Le CPO estime que l’épargne réglementée occupe une place trop importante en France au détriment des placements longs. Pour encourager à des transferts vers les produits d’épargne de long terme, il propose une fusion du Livret A avec le Livret de Développement Durable et Solidaire ainsi que la fiscalisation des intérêts au-delà de 19 125 euros. Le gouvernement, pour couper court à toute polémique, a indiqué qu’il n’entendait pas reprendre à son compte cette proposition.

Un rapport utile au débat sur la fiscalité du patrimoine

Le rapport du CPO a le mérite de couvrir l’ensemble du champ de la fiscalité patrimoniale : taxe foncière, épargne réglementée, plus-values immobilières, transmission d’entreprise, assurance vie, pacte Dutreil, etc. Cette fiscalité se caractérise aujourd’hui par une complexité rare et une cohérence économique limitée. Elle finance de nombreuses collectivités — État, départements, communes — ce qui rend toute réforme difficile.

Une modernisation est pourtant indispensable, à la fois pour éviter une concentration excessive du capital, améliorer la lisibilité du système et renforcer l’efficience économique du patrimoine des ménages.

Les grandes entreprises françaises : un retour des capitaux étrangers ?

En 2024, les acteurs non-résidents détenaient 1 083 milliards d’euros d’actions de sociétés du CAC 40, un taux de détention de 50 %. En 2023, ce taux atteignait 49,5 %. La part des investisseurs non-résidents est au plus haut depuis l’épidémie de Covid. En 2024, avec la crise politique, les investisseurs nationaux se sont délestés en actions françaises quand les non-résidents ont renforcé leurs positions. Les premiers ont été vendeurs nets d’actions hexagonales à hauteur de 3,5 milliards d’euros de titres en 2024, tandis que les seconds ont, en net, acheté 3,3 milliards d’euros d’actions.

Les non-résidents ont acheté pour environ 5 milliards d’euros de titres de sociétés appartenant aux secteurs de la santé et des services aux collectivités. À l’inverse, les secteurs de l’industrie et de l’énergie, qui avaient connu un fort engouement de la part des investisseurs non-résidents entre 2020 et 2023, ont affiché des sorties de 2,2 milliards d’euros. Ce renforcement des étrangers dans le capital des grandes entreprises françaises est avant tout un effet de portefeuille. Ils ont eu tendance à sortir des entreprises non cotées au CAC 40, de taille moyenne, au profit de celles qui le sont et qui sont plus internationalisées. Les acteurs étrangers ne détiennent que 32 % des actions d’entreprises qui ne sont pas présentes au CAC 40. En 2024, ce dernier s’est érodé de 2,2 %, contre respectivement 6 % et 8 % pour le CAC Mid et le CAC Small, les deux indices des capitalisations plus petites de la place de Paris. La capitalisation totale des actions détenues par les investisseurs français s’est donc réduite par ce simple effet de valorisation.

Cette préférence pour les grandes entreprises a pour conséquence qu’elles sont désormais majoritairement détenues par des capitaux étrangers. Selon la Banque de France, le capital de 19 des 35 sociétés françaises de l’indice est détenu à plus de 50 % par des acteurs étrangers.

Malgré tout, parmi les grands pays européens, la France reste le marché le moins internationalisé. En Allemagne, le taux de détention des actions par les non-résidents atteint 57 %, contre 46 % en France. Cette part atteint même 88 % pour les Pays-Bas. Rapporté au produit intérieur brut (PIB), le marché financier français est le deuxième en zone euro en termes d’importance. La capitalisation totale des actions françaises atteignait 104 % du PIB, contre 148 % pour les actions néerlandaises.

Environ 40 % des investisseurs sont originaires de la zone euro, et en particulier du Luxembourg, où sont enregistrés de nombreux fonds d’investissement. Plus de 13 % des investisseurs étrangers sont basés au Grand-Duché, une part qui est toutefois en baisse tendancielle depuis 2021. Les États-Unis gardent leur première place, puisque les investisseurs américains représentent 34 % des actionnaires étrangers. Fait notable, la part des investisseurs localisés aux îles Caïmans a plus que triplé en 2 ans, passant de 0,8 % du total à 2,7 %. Une hausse que la Banque de France explique notamment par l’amélioration de la collecte et de la déclaration de données réalisées par l’archipel.

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