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La France a fait longtemps figure d’exception en Europe. Au tournant des années 2000, la fécondité française se maintenait à 1,9-2,0 enfants par femme, contre 1,3 en Allemagne ainsi qu’en Italie, et 1,2 en Espagne. Or, depuis dix ans, l’écart entre la France et les autres pays européens s’estompe. L’indicateur conjoncturel de fécondité est tombé à 1,6 enfant par femme en 2024, son plus bas niveau depuis la Libération, en baisse de 20 % depuis 2014. La France a ainsi rejoint la moyenne européenne, désormais fixée à 1,4.
Le taux de fécondité des femmes nées dans les années 1960 et 1970 s’est situé entre 1,8 et 2. Pour celles nées en 1980, il a même été légèrement supérieur à 2. Avec les générations postérieures, une rupture est constatée. Les projections montrent que les femmes nées en 1990 n’auront que 1,8 à 2,0 enfants, et celles nées en 1995 1,6 à 1,9. Quant aux générations 2000, elles pourraient se stabiliser autour de 1,6. De ce fait, le renouvellement des générations qui nécessite un taux de 2,1 n’est plus assuré.
En 1998, les Français estimaient qu’une famille « idéale » comptait, selon l’INED, 2,7 enfants. En 2024, ils n’en citent plus que 2,3. Plus révélateur encore, les jeunes femmes de 18 à 24 ans n’en souhaitent que 1,9 en moyenne, et les jeunes hommes 1,8. L’écart entre nombre idéal et nombre souhaité – longtemps important – s’amenuise. Autrefois, on désirait plus d’enfants qu’on en avait. Aujourd’hui, on s’autorise à en souhaiter moins, comme si l’horizon familial s’était rétréci.
La norme de la famille à deux enfants n’a jamais été aussi dominante. 65 % des Français de 18 à 49 ans considèrent ce modèle comme idéal, contre 47 % en 1998. Mais là où deux enfants représentaient autrefois un minimum, ils apparaissent désormais comme un maximum. Chez les jeunes adultes, les réponses « 0 ou 1 enfant » dépassent celles de « 3 ou plus ». Chez les hommes de moins de 30 ans, 35 % envisagent un seul enfant ou aucun, contre 15 % en 2005.
Contrairement aux crises économiques des décennies passées, qui n’avaient pas empêché la natalité de se maintenir, depuis une dizaine d’années, les jeunes générations appréhendent l’avenir avec une anxiété inédite.
La première des craintes concerne le climat. 36 % des 25-39 ans se déclarent très inquiets du changement climatique et déclarent vouloir moins d’enfants. Seuls 35 % des très inquiets envisagent un enfant supplémentaire, contre 46 % des moins inquiets. L’affaiblissement des institutions inspire également la prudence. Assez étrangement, selon l’INED, les inquiétudes économiques jouent un rôle moindre.
Les conceptions égalitaires des rôles de genre tendent à réduire les intentions de fécondité. En 2005, cette variable n’avait pas d’effet significatif. En 2024, les jeunes femmes attachées à l’égalité hommes-femmes envisagent moins d’enfants, conscientes que la charge parentale continue de peser principalement sur elles.
La France reste, malgré tout, en meilleure posture que ses voisins. En Allemagne, après avoir atteint un plancher à 1,2 enfant dans les années 2000, la fécondité est remontée à 1,5, grâce aux politiques familiales généreuses. Cependant, elle reste fragile. En Italie et en Espagne, le taux de fécondité stagne entre 1,2 et 1,3, malgré les incitations fiscales. Dans les pays d’Europe du Nord, le taux de fécondité est également en déclin. Il avoisine 1,6. La moyenne pour l’ensemble des pays de l’OCDE s’élève à 1,5 avec une tendance généralisée à la baisse. La France se situe ainsi toujours au-dessus de la moyenne. Malgré tout, le pays n’échappera pas à un vieillissement démographique rapide. La proportion des plus de 65 ans pourrait passer de 21 % aujourd’hui à près de 30 % en 2050. Le ratio cotisants/retraités, aujourd’hui de 1,7, pourrait tomber sous 1,4 à l’horizon 2050.
Les politiques natalistes classiques (allocations, modes de garde, congés parentaux) ont montré leur efficacité relative. Le véritable frein apparaît culturel et psychologique : une société qui doute de l’avenir hésite à se reproduire. La réponse ne réside donc pas uniquement dans des instruments financiers, mais dans une stratégie globale : restauration de la confiance, meilleure conciliation de la vie professionnelle et familiale, meilleur partage des charges familiales…
La démographie est un miroir. En France, ce miroir renvoie aujourd’hui une image de prudence et d’incertitude. Les jeunes veulent encore des enfants, mais moins que les générations précédentes. La norme des deux enfants persiste, mais comme un plafond, non plus comme un minimum. Si cette tendance s’installe, la France perdra son avantage démographique et se rapprochera du destin italien ou allemand.
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