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La Cour des Comptes a publié au début du mois de septembre un rapport sur l’épargne réglementée en France pour lequel les représentants du Cercle de l’Épargne avaient été entendus. Ce rapport souligne que l’épargne réglementée joue un rôle important dans l’épargne française et qu’elle a eu tendance à s’accroître avec la succession de crises que le pays a connues. La Cour des Comptes estime que le système est globalement satisfaisant. Néanmoins, elle souligne trois problèmes :
L’épargne réglementée constitue une spécificité française. Elle comprend des produits dont les caractéristiques, fixées par des textes législatifs et réglementaires, dérogent bien souvent au droit commun (taux de rémunération, plafonds de versement, affectation de l’épargne collectée, etc.). A contrario, l’assurance vie, tout en disposant d’un régime spécifique, n’en demeure pas moins un produit dont le fonctionnement au quotidien dépend de l’assureur, ce dernier fixant, en particulier, les taux de rendement.
L’épargne réglementée rassemble le Livret A, le Livret Bleu, le Livret de Développement Durable et Solidaire, le Livret d’Épargne Populaire, le Livret d’Épargne Entreprise, le Livret Jeune et l’épargne logement. Les produits de l’épargne réglementée sont régis par le Code Monétaire et Financier. L’épargne logement, à la différence des autres produits, est un contrat entre l’épargnant et l’établissement financier. Il est, en outre, régi par des dispositions du code de la construction et de l’habitat.
Les taux de rémunération de l’épargne réglementée ont bénéficié de règles de calcul à partir des années 2000. Actuellement, ces taux sont déterminés par l’arrêté du 21 janvier 2021. Le Livret A, le LDDS, le Livret d’Épargne Populaire, le Livret Jeune bénéficient d’une exonération fiscale et sociale. Les autres produits sont soumis aux règles de droit commun pour la fiscalité et les prélèvements sociaux. Néanmoins, les prélèvements sociaux ne s’appliquent qu’aux PEL souscrits après le 1er janvier 2011 et les prélèvements fiscaux n’ont commencé à s’appliquer que pour les PEL ouverts après le 1er janvier 2018.
Les fonds collectés sur les Livret A sont centralisés à hauteur de 59,5 % au fonds d’épargne géré par la Caisse des Dépôts et Consignations pour financer notamment le logement social et la politique de la ville. Les établissements de crédit collecteurs conservent à leur bilan l’encours non centralisé pour financer la création et le développement de PME, la transition énergétique et la réduction de l’empreinte climatique ainsi que l’économie sociale et solidaire.
L’encours de l’épargne réglementée a atteint, fin 2021, 834 milliards d’euros, soit 14 % de l’épargne financière des ménages. La part de l’épargne des ménages détenue sous forme de numéraire, de dépôts à vue et de livrets bancaires, réglementés ou pas, représente 29 % des actifs financiers, contre 33 % en Italie, 40 % en Allemagne ou 42 % en Espagne. La Cour des Comptes relève que la crise sanitaire a favorisé toutes les formes d’épargne. L’épargne réglementée et les dépôts à vue ont vu leurs flux doubler (de 48,8 à 95,8 milliards d’euros) mais les achats d’actions ont atteint, en 2020, plus de 13 milliards d’euros quand ceux des unités de compte des contrats d’assurance vie ont dépassé 16,8 milliards d’euros.
55,7 millions de Livrets A sont détenus par des personnes physiques et 820 000 par des personnes morales. 83 % des Français détiennent un Livret A, 36 % un LDDS et 10 % un LEP. 19 % des Français détiennent un produit d’épargne logement en 2021, contre 22 % en 2016.
L’encours moyen des Livrets A est de 5 858 euros pour les personnes physiques, celui des LDDS est de 5 002 euros et celui des LEP de 5 604 euros. Les Livrets A au-dessus du plafond représentent 30 % de l’encours total mais seulement 7 % des livrets. Ceux qui dépassent 15 300 euros représentent 64 % de l’encours. Les épargnants de plus de 65 ans détiennent 21 % des Livrets A et 34 % de l’encours. Les moins de 25 ans de leur côté possèdent 27 % des Livrets A et 12 % de l’encours.
La Cour des Comptes souligne que la rentabilité du fonds d’épargne qui centralise les ressources de plusieurs livrets réglementés baisse en raison de la diminution des taux d’intérêt de ces dernières années, sachant que le taux de rendement des livrets s’est contracté moins rapidement. La Cour estime que cette diminution de la rentabilité ne met pas en danger le système de l’épargne réglementée. Elle demande en revanche une séparation plus stricte de la gestion de ce fonds par la Caisse des Dépôts afin qu’il ne puisse pas y avoir d’interférences avec la Banque Postale et la CNP, filiales de la Caisse.
La Cour Des Comptes souhaite une refonte de l’épargne logement qui répond à ses yeux de moins en moins à sa vocation initiale de soutien au financement des projets immobiliers des ménages. Entre 2016 et 2020, le flux de nouveaux prêts, déjà faible en 2016, s’est fortement réduit pour conduire à une production quasi nulle. La Cour indique que du fait de l’application du taux de rémunération en vigueur au moment de la souscription, de nombreux plans bénéficient de taux élevés qui sont coûteux pour les établissements de crédit. Le taux d’intérêt moyen des comptes à terme hors PEL de plus de deux ans est de 0,78 %, alors que le taux moyen des PEL de plus de 2 ans est de 2,6 %. Les plans souscrits avant 2011 ne sont pas limités dans le temps, ce qui permet le maintien de taux élevés tant que les souscripteurs n’effectuent pas de rachats. Si les PEL les plus anciens, rémunérés à plus de 5,25 %, ne représentent plus que 11 % des encours totaux, les PEL rémunérés entre 3,50 et 4,50 % représentent 28 % des encours et les PEL rémunérés entre 2,50 et 3,50 % pèsent pour 45 % des encours totaux : les trois quarts des encours sont donc rémunérés à 2,50 %. À fin décembre 2021, la Banque de France estime que le taux moyen (pondéré par les encours) des PEL ouverts avant 2011 est de 4,51 %, garantissant un rendement sans équivalent au regard du niveau de risque encouru. L’écart de performance instantané – celui qui est observé sur le premier trimestre 2022 – avec les placements obligataires ou les actions, s’est encore accru en raison de l’évolution des marchés des actions et des obligations. Pour mémoire, le taux de rémunération des PEL souscrits depuis le 1er janvier 2018 est de 1 %, ces plans étant soumis au prélèvement forfaitaire unique.
Jusqu’à maintenant, les pouvoirs publics se sont interdit de modifier les règles en vigueur pour les vieux contrats du fait de la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, selon laquelle il ne serait pas possible de modifier de manière rétroactive les clauses d’un contrat. Or, la rémunération fait partie de ces clauses. Néanmoins, dans son rapport, la Cour suggère plusieurs pistes. Elle propose de modifier de manière unilatérale des contrats par les établissements de crédit concernés eux-mêmes sur le fondement de l’article 1195 nouveau du Code civil qui reconnaît la théorie de l’imprévision qui était jusque-là refusée par la Cour de cassation. Il pourrait en résulter un contentieux important avec des solutions divergentes avant que la Cour de cassation ne vienne éventuellement trancher. La Cour des comptes reconnaît que les établissements bancaires ne sont pas prêts à s’engager d’eux-mêmes dans cette voie. Une autre possibilité serait pour les établissements bancaires de négocier avec leurs clients la sortie de leurs PEL moyennant une indemnité calculée en fonction de la perte de l’avantage pour ces derniers. Les banques pourraient proposer des livrets avec des taux de rémunération plus élevés sur une période donnée. Une deuxième piste viserait à fiscaliser les anciens PEL pour encourager les épargnants à migrer sur d’autres produits. Il est, cependant, possible que cette mesure ne soit pas constitutionnelle en raison de son caractère rétroactif. Le gouvernement aurait du mal à trouver une majorité au Parlement sur ce sujet en raison de son caractère impopulaire. La Fédération bancaire française privilégie de son côté l’application, par voie réglementaire, d’un taux spécifique de rémunération des PEL échus, c’est-à-dire ceux qui sont arrivés à leur terme contractuel mais dont le déposant n’a pas demandé le retrait. Cette mesure pourrait être contestée devant le Conseil d’État. Les solutions de modification du régime de l’épargne logement sont donc peu évidentes.
Sur la question du plafonnement des produits d’épargne réglementée et de la fiscalité, la Cour des Comptes penche pour la stabilité, estimant que les inconvénients seraient plus importants que les avantages. Elle se prononce également contre la fusion du Livret A avec le LDDS.
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