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Les députés Jean-Philippe Tanguy et François Jolivet ont présenté au mois de mai dernier leur rapport sur « la rémunération de l’épargne populaire et des classes moyennes ». Les deux parlementaires sont critiques tant sur les produits et sur la réglementation en vigueur. Ils proposent une rationalisation de l’épargne afin de permettre aux épargnants modestes et intermédiaires d’accéder à des placements plus rémunérateurs.
Selon les auteurs du rapport, l’épargne financière des Français, plus de 6 000 milliards d’euros, demeure marquée par une aversion au risque et un attachement historique aux produits réglementés : livret A, LDDS, LEP, PEL… En 2024, ces produits représentaient près de 950 milliards d’euros, soit 15 % du patrimoine financier des ménages, contre plus de 2 000 milliards pour l’assurance vie.
La détention de livrets d’épargne est quasiment universelle, mais leur rendement, une fois l’inflation intégrée, est faible, voire négatif. Le livret A, par exemple, a connu un rendement réel inférieur à 0 % de 2016 à 2024. Un épargnant y ayant placé 1 000 euros en 2003 aurait à peine 1 400 euros en 2023, contre 2 700 euros s’il avait investi sur un indice boursier type CAC40.
Le LEP, pourtant rémunéré à 6 % en 2023, puis abaissé à 3,5 % en 2025, est faiblement diffusé. Seulement 11,8 millions de livrets ont souscrit ce produit quand 19,5 millions de Français sont éligibles. Ce non-recours révèle à la fois un défaut d’information, une offre bancaire passive et une faible incitation institutionnelle. Il est également imputable aux faibles capacités d’épargne des populations concernées.
Produit favori des ménages français, l’assurance vie est mise en cause pour son rendement médiocre, notamment sur les unités de compte, qui ont accusé une perte moyenne de 8 % entre 1999 et 2021. Quant aux rendements des fonds en euros, après une forte baisse à la fin des années 2010 et au début des années 2020, ils ont, longtemps, plafonné à 1,3 %, avant d’enregistrer un rebond à 2,6 % en 2024, encore inférieur à l’inflation cumulée sur trois ans.
Les rapporteurs dénoncent des promesses de rendement parfois trompeuses. Ils indiquent que les ETF ont enregistré des progressions plus élevées. Ils oublient que les fonds euros bénéficient d’une garantie en capital qui a un prix et un coût.
Les rapporteurs, de manière un peu caricaturale, indiquent que le principal avantage de l’assurance vie réside aujourd’hui dans sa fiscalité et non dans sa performance intrinsèque. Or, en 2024, le rendement moyen des fonds euros a été de 2,6 % et celui des unités de compte de 4,6 %.
Pour les rapporteurs, les épargnants modestes et moyens seraient sciemment maltraités en étant orientés vers des produits garantis, liquides, peu risqués… et donc peu rémunérateurs. Cette orientation, loin de traduire uniquement une préférence des ménages, résulte aussi de biais dans le conseil, du poids des frais, et d’un déficit d’éducation financière.
Par contraste, les ménages les plus aisés accèdent à une palette de placements (private equity, immobilier géré, etc.) à rendement espéré plus élevé et volatilité maîtrisée sur le long terme, notamment via des intermédiaires spécialisés. Le capital n’est donc pas égalitaire ; il est socialement distribué selon la capacité d’accès à l’information et au conseil.
À juste titre, les rapporteurs soulignent le caractère illisible du paysage de l’épargne en France avec un foisonnement de produits réglementés : livret A, LDDS, LEP, PEL, CEL, livret jeune, LEE… Le rapport prône la simplification de l’épargne réglementée à travers :
Le PEL, quant à lui, est pointé du doigt pour son incohérence intergénérationnelle : un plan ouvert en 2009 peut offrir un rendement supérieur à 4 %, exonéré d’impôts, tandis qu’un plan de 2025 plafonne à 1,75 % brut et subit le PFU à 30 %.
Le rapport plaide pour une démocratisation raisonnée de l’accès aux actifs performants : fonds indiciels, capital-investissement, gestion passive à bas coût. Il insiste également sur la formation financière, condition nécessaire pour combler les inégalités patrimoniales à long terme. La France accuse ici un retard structurel, malgré les exigences légales de conseil, souvent inopérantes.
Ce rapport, comme d’autres précédemment, pose la question de l’orientation de l’épargne des ménages. Il met en évidence la surreprésentation de l’épargne de court terme mal rémunérée. Or, celle-ci répond en grande partie aux objectifs des ménages. Ces derniers souhaitent disposer d’une épargne liquide et sûre. Ils sont plus avertis qu’il n’y paraît. Ils ont ainsi, lors de la hausse du taux de rendement du Livret A entre 2022 et 2023, privilégié ce placement. Ils ont également opté alors pour les dépôts à terme qui pendant une vingtaine d’années avaient été complètement délaissés. Contrairement aux idées reçues, les épargnants français sont matures et n’entendent pas être instrumentalisés.
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