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Épargne, dernières tendances !

Epargne 8 novembre 2023

Questions à Philippe Crevel, Directeur du Cercle de l’Épargne

Depuis le début de l’année, les Français épargnent des sommes importantes. Comment expliquez-vous cette frénésie ?

Le taux d’épargne des ménages se situait au milieu de l’année 2023 autour de 19 % du revenu disponible brut. Il demeure quatre points au-dessus de son niveau d’avant la crise sanitaire (15 %). Après avoir atteint un niveau record de 27 % durant le premier confinement, en 2020, il n’a jamais retrouvé son niveau initial. Le haut degré d’incertitude lié à une série d’événements explique le comportement des ménages. Ces derniers souhaitent maintenir un important volume d’épargne de précaution.

Comme lors des précédentes vagues inflationnistes, ils ont préféré diminuer leur consommation plutôt que de puiser dans leur épargne. Ils ont bien au contraire accru la fameuse cagnotte constituée durant l’épidémie. Ce comportement ne se retrouve pas aux États-Unis où les ménages privilégient au contraire la consommation à l’épargne. Les Français préfèrent mettre de l’argent de côté par crainte de ne pas en avoir assez pour faire face aux dépenses à venir dont le montant risque d’augmenter en raison de l’inflation. Il y a également un effet d’encaisse. L’inflation érodant la valeur du patrimoine, pour le maintenir constant, en valeur, les ménages sont contraints d’épargner davantage. Des facteurs plus structurels peuvent, par ailleurs, expliquer, l’effort accru d’épargne.

Le vieillissement de la population y contribue. Pour compléter leurs futures pensions, les ménages épargnent. Près des trois quarts des actifs selon l’enquête 2023 d’AG2R LA MONDIALE, AMPHITEA, le Cercle de l’Épargne estiment que leurs pensions seront insuffisantes pour vivre correctement.

La hausse du prix de l’immobilier puis celle des taux d’intérêt induisent une augmentation de l’épargne. Les ménages doivent se constituer des apports plus importants pour acquérir un bien immobilier et le poids des emprunts tend à s’accroître. Or le remboursement du capital de ces emprunts est comptabilisé comme de l’épargne. Celui-ci représente 9,5 % du revenu disponible brut.

La transition énergétique, par son caractère anxiogène, peut également amener les ménages à épargner. Ceux-ci peuvent considérer que la réduction des émissions des gaz à effet de serre les contraindra à des investissements coûteux (isolation des logements, achats d’une voiture électrique, etc.).

Enfin, de manière implicite, le niveau élevé des déficits et la progression de la dette sont perçus comme des facteurs devant amener à une augmentation des prélèvements obligatoires. Afin de pouvoir y faire face, les ménages épargneraient.

Avec un taux de rémunération de 6 %, le Livret d’Épargne Populaire (LEP) rencontre un réel succès après avoir connu un long déclin. Est-ce une véritable surprise ?

Depuis un an, le LEP connaît un essor en raison de son taux de rémunération qui est depuis le 1er août dernier de 6 %, soit supérieur au taux d’inflation. Pendant des années, le LEP a connu une baisse de son encours et du nombre de ses titulaires. Il était jugé complexe et peu attractif. Les titulaires devaient chaque année fournir à leur établissement bancaire des documents visant à justifier leur éligibilité à ce produit. À défaut, le LEP était converti en livret bancaire. Depuis trois ans, la vérification est réalisée directement par la banque auprès du Ministère de l’Économie.

Par ailleurs, le taux du LEP est resté longtemps à un niveau relativement faible. Il était simplement 0,5 point au-dessus de celui du Livret A. Son indexation à l’inflation a conduit à sa forte revalorisation depuis le début de l’année 2022. Il est passé de 1 à 6,1 % de février 2022 à février 2023 avant de redescendre à 6 % le 1er août dernier. Il est ainsi deux fois plus élevé que le taux du Livret A ou du LDDS.

Par ailleurs, le 1er octobre dernier, le plafond du LEP est passé de 7 700 à 10 000 euros. En 2022, près de la moitié des LEP avait atteint le plafond. L’augmentation du plafond a donné lieu à un changement des modalités de son calcul. Apprécié avant le 1er octobre au seul regard des versements, le plafond prend à présent en compte les intérêts capitalisés.

Les modifications apportées au LEP portent leurs fruits. Après avoir baissé de 2008 à 2021, le nombre de LEP est, depuis, en hausse. En 2008, 13,2 millions de LEP étaient ouverts. Ce nombre n’était plus que de 6,9 millions en 2021. Il est remonté à 10,1 millions en août 2023. Le taux de détention était de 15,5 % en 2022 au sein de la population française, contre 12,9 % en 2021. Selon la Direction générale des finances publiques, le nombre d’individus éligibles au LEP à fin 2022 est de près de 18,6 millions.

En décembre 2022, 44,8 % des personnes éligibles détenaient un LEP. Ce taux a progressé depuis. De nombreux Français éligibles ont sans nul doute un Livret A et auraient tout avantage à ouvrir un LEP. L’encours est passé de 2008 à 2021 de 65,1 à 38,3 milliards d’euros avant de remonter à 58,2 milliards d’euros. Sur les neuf premiers mois de l’année, la collecte du LEP s’est élevée à 11 milliards euros.

L’assurance vie semble être à la peine depuis le début de l’année. Quels sont les facteurs expliquant le surplace du premier placement financier des ménages français ?

En septembre, avec -345 millions, l’assurance vie a signé sa troisième décollecte successive, faisant suite à celles des mois d’août (-1,7 milliard d’euros) et de juillet -1 milliard d’euros). Pour le troisième trimestre, la décollecte est de 2,8 milliards d’euros. Dans le passé, l’assurance vie a connu trois mois consécutifs de décollecte en 2020 lors de l’épidémie covid, et en 2011-2012 lors de la crise des dettes souveraines. Malgré tout, la collecte reste positive depuis le début de l’année, +1,3 milliard d’euros. C’est moins bien qu’en 2002 (12 milliards d’euros).

L’assurance vie fait du surplace, toujours pénalisée par la préférence des ménages pour l’épargne de précaution et les faibles rendements des fonds euros. Avec la hausse des taux d’intérêt, les acheteurs de biens immobiliers puisent par ailleurs davantage dans leur contrat d’assurance vie afin d’atténuer le coût de l’endettement. Si la collecte nette est faible depuis le début de l’année, le montant des cotisations brutes reste élevé, témoignant qu’il n’y a pas de réelle défiance à l’encontre du produit. Depuis le début de l’année, il a atteint 113,2 milliards d’euros, en hausse de +4 % par rapport à la même période en 2022. Les unités de compte (UC) progressent plus vite que les fonds euros (+6 % contre +4 %). La part des cotisations en UC s’établit à 40 % en septembre et depuis le début de l’année. Ce taux est constant depuis plus d’un an.

Les prestations demeurent dynamiques. Sur les trois premiers trimestres, elles se sont élevées à 111,9 milliards d’euros en hausse de +5 % par rapport à septembre 2022. Les ménages continuent à réaliser des arbitrages au sein de leur patrimoine en se délestant des fonds euros. Le vieillissement de la population conduit également à une progression des liquidations de contrats après décès.

La décollecte est la conséquence du recul persistant des fonds euros. Leur décollecte a été de 2,3 milliards d’euros en septembre et de 22,8 milliards d’euros sur les neuf premiers mois de l’année. De leur côté, les unités de compte engrangent une collecte nette de près de 2 milliards d’euros en septembre et de 24,1 milliards d’euros sur neuf mois.

L’assurance vie connaît une année de transition avec des fonds euros toujours lestés par les anciennes obligations faiblement rémunératrices. La hausse des taux d’intérêt permettra une amélioration de leur rendement en 2023. Celui-ci devrait se situer en moyenne autour de 2,5/2,7 %. L’écart avec le taux du Livret A se réduira, sachant que les fonds euros ne sont pas soumis à des règles de plafonds. Depuis le début de l’année, ces derniers sont également concurrencés par les dépôts à terme qui offrent des rendements de 3,5 %. L’attractivité des fonds euros devrait cependant s’améliorer en 2024, sachant que les taux d’intérêt devraient rester à leur niveau actuel sur l’ensemble de l’année prochaine.

Les unités de compte sont entrées dans les mœurs des détenteurs des contrats d’assurance vie. Leur part dans la collecte est relativement insensible aux fluctuations des marchés. Les assurés sont de plus en plus agiles avec leurs contrats, n’hésitant pas à réaliser des arbitrages, en réduisant par exemple leur exposition aux fonds euros.

Au-delà de ces évolutions, l’assurance vie demeure de loin le premier placement des ménages avec un encours de 1 895 milliards d’euros à fin septembre, en hausse de +4,7 % sur un an.

Au mois de septembre, la collecte du Livret A a été en net recul. Est-ce la fin du boom de l’épargne réglementée ?

La collecte du Livret A, au mois de septembre dernier, a été positive de 450 millions d’euros. Au regard des résultats de ces derniers mois, cette collecte peut apparaître comme une contre-performance. La collecte avait, en effet, atteint 2,27 milliards d’euros en août et 2,16 milliards d’euros en juillet. L’année dernière, elle avait été de 2,67 milliards d’euros en lien avec le relèvement du taux du Livret A de 1 à 2 % intervenu le 1er août. Mais, de manière traditionnelle, le mois de septembre ne réussit pas au Livret A. Après les vacances, les ménages puisent dans leur bas de laine pour faire face à une série de dépenses et, notamment, celles liées à la rentrée scolaire. Cette année, les dépenses sont, en outre, majorées par l’inflation.

La collecte sur les neuf premiers mois de l’année reste malgré tout à des niveaux records, 30,73 milliards d’euros pour le Livret A et 10,69 milliards d’euros pour le LDDS. Il en est de même sur le plan des encours qui respectivement ont atteint, fin septembre, 406 et 145 milliards d’euros. L’année 2023 restera un excellent cru pour l’épargne réglementée.

Avec le non-relèvement du taux du Livret A le 1er août dernier, le placement renoue avec sa saisonnalité habituelle, un second semestre plus orienté dépenses suivant un premier plus épargne. Les dépenses de fin d’année et les vacances d’hiver devraient peser sur la collecte dans les prochains mois. Les ménages les plus aisés ayant saturé leur Livret A et leur LDDS ont tendance à se reporter sur les dépôts à terme, sur les SICAV monétaires voire les superlivrets. Le pari du Ministre de l’Économie de réduire la collecte de l’épargne réglementée commence a priori, pour le plus grand plaisir des banques, à être gagné.

Le Livret A et le LDDS sont de plus en plus concurrencés par les dépôts à terme dont l’encours a progressé de 32 milliards d’euros lors des huit premiers mois de l’année. Ce dernier a atteint 407 milliards d’euros fin août. Le taux de rémunération des dépôts à terme se situe autour de 3,5 %. Si ces derniers sont fiscalisés, ils ne sont pas, en revanche, soumis à des plafonds. Or, plus de 10 % des Livret A et 25 % des LDDS sont au plafond, ce qui conduit leurs titulaires à rechercher d’autres placements. Les dépôts à terme ou les livrets bancaires sont les produits de substitution les plus usités.

Le Plan d’Épargne Retraite a célébré son quatrième anniversaire. Le succès se confirme-t-il ?

Le PER a quatre ans, le début de sa commercialisation datant du 1er octobre 2019. Durant ces quatre premières années, il a traversé de multiples crises : covid, guerre en Ukraine, inflation, guerre au Proche-Orient. Ce contexte d’une rare dureté ne l’a pas empêché de tracer, mois après mois, sa voie.

Fin septembre 2023, 5,2 millions d’assurés détenaient un PER assurantiel pour un encours de 68,8 milliards d’euros. Depuis le début de l’année, la collecte nette a été de 4,4 milliards d’euros. En prenant en compte tous les plans d’épargne retraite, individuels et collectifs, 7,4 millions d’épargnants en détiennent un avec un encours 85 milliards d’euros.

Le succès du PER repose sur un triptyque suivant :

  • Simplicité : convergence des règles en matière d’épargne retraite ;
  • Sécurité : gestion pilotée permettant de combiner fonds euros et unités de compte ;
  • Attractivité : déduction fiscale à l’entrée et sortie en capital à la sortie.

Les Français ont adopté ce produit correspondant à leurs attentes. Ce dernier permet à tout un chacun de se constituer un patrimoine ou un supplément de revenus en vue de la retraite tout en permettant une sortie anticipée pour l’acquisition de la résidence principale.

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