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Enquête Cercle de l’Épargne/Amphitéa : les principaux enseignements

Epargne 11 avril 2022

3 questions à Philippe Crevel, Directeur du Cercle de l’Épargne – Avril 2022

Parmi les points saillants de l’enquête 2022 figure la demande d’allégement des droits de succession et de donation.  Ce souhait vous surprend-il et est-il légitime sur le plan économique ?

En France, même si nos racines paysannes s’estompent avec l’urbanisation du pays, elles restent prégnantes en ce qui concerne le patrimoine et sa transmission. Les Français sont attachés à l’idée de pouvoir transmettre le fruit d’une partie de leur travail à leurs descendants. Le patrimoine est un élément clef du fil qui relie les générations. Il y a une crainte lancinante, que l’État ponctionne une grande partie des héritages. Dans les faits, pourtant, une succession sur deux ne donne pas lieu à taxation car elle intervient en ligne directe et que son montant ne dépasse pas le plafond de l’abattement qui est de 100 000 euros. Une très large majorité des Français souhaite une exonération plus importante voire totale des droits. 49 % sont pour la suppression totale et 25 % pour un passage de l’abattement de 100 000 à 200 000 euros pour les héritiers en ligne directe. En se prononçant pour une réduction des droits de mutation, les Français prennent le parti de l’héritage. Ils craignent peut-être que les pouvoirs publics augmentent ces droits comme cela a été préconisé par plusieurs centres de réflexion. Le Conseil d’Analyse Économique qui dépend du Premier Ministre avait, à la fin de l’année 2021, demandé un durcissement du régime fiscal des successions dans un souci de justice fiscale. Le souhait d’un allégement des droits de mutation s’explique également par une méconnaissance de cet impôt. Les Français espérant, un jour, bénéficier d’un héritage dont ils ne savent pas à l’avance le montant ne veulent pas que ce dernier soit amputé par d’éventuels droits. Ces dernières années, la forte appréciation de la valeur des biens immobiliers qui représentent plus des deux tiers des successions a pour conséquence de réduire la valeur relative de l’abattement accordé au moment de la succession. Les prix de l’immobilier ont, en effet, en France, doublé en une génération quand l’abattement est resté, de son côté, stable.

En matière de donation, les Français appellent également de leurs vœux une réduction des droits à acquitter. Même si peu de Français déclarent avoir déjà bénéficié d’une donation (10 % des sondés), ils souhaitent que les donations puissent bénéficier d’abattements plus élevés et accordés sur des périodes plus courtes. Aujourd’hui, les avantages fiscaux sont attribués tous les quinze ans. Une amélioration du régime fiscal des donations faciliterait la mobilité du capital et pourrait en atténuer sa concentration sur les plus de 55 ans. Cette amélioration ne réduira pas, en revanche, les inégalités patrimoniales qui ont tendance à s’accentuer avec le processus de valorisation de l’immobilier. Une telle mesure répond à une logique de solidarité verticale, intergénérationnelle et non horizontale.

Au-delà des règles fiscales concernant la transmission, il faut s’interroger sur le rôle, l’utilité du patrimoine. Aujourd’hui, la possible mobilisation du patrimoine pour compléter les pensions ou pour financer la dépendance est taboue. Les actifs sont amenés à payer la dépendance tout en acquittant des droits de succession. Il serait peut-être plus logique de prévoir des mécanismes de solidarité intragénérationnelle pour éviter que les jeunes actifs soient taxés de manière exorbitante.

Sur l’épargne, à la lecture des résultats de l’enquête 2022, considérez-vous que les Français sont disposés à prendre plus de risques ?

Depuis le début de la crise sanitaire, les Français ont épargné plus de 300 milliards d’euros (2020 et 2021). Le surplus par rapport à des années normales est, selon la Banque de France, de 175 milliards d’euros. Les Français sont des épargnants et l’enquête du Cercle le confirme. 70 % des Français déclarent en effet épargner. Les épargnants sont majoritaires au sein de toutes les catégories sociales. La proportion d’épargnants est particulièrement importante chez les cadres et professions libérales (87 %) mais elle est aussi élevée chez les ouvriers (63 %). 68 % des retraités indiquent épargner. Les jeunes épargnent aussi : 73 % des 18/24 ans et 77 % des 35/34 ans déclarent mettre de l’argent de côté, contre 65 % des 50/64 ans. L’enquête révèle que les Français sont des épargnants plus avisés qu’il n’y paraît. Ils ont une bonne appréciation de la rentabilité et du risque. Ils estiment à juste titre que les produits à forte rentabilité s’accompagnent d’une prise de risques accrue. Si, comme les années précédentes, ils placent l’immobilier en tête de gondole parmi les placements les plus intéressants, il convient de souligner la forte progression des actions qui arrivent en troisième position, juste derrière l’assurance vie. Si l’immobilier locatif, cité par 65 % des Français comme placement intéressant, a perdu 3 points en cinq ans. Les actions avec un taux de 46 % ont en gagné 8. Il y a une appétence plus élevée en faveur des actions et des unités de compte. La baisse des taux d’intérêt et la bonne tenue des cours boursiers expliquent cette évolution. Les jeunes générations sont celles qui sont les plus favorables au placement « actions ». Elles sont conscientes que le rendement passe par des supports autres que les produits de taux.

Les Français demeurent-ils inquiets en matière de retraite et sont-ils prêts à accepter une réforme du système d’assurance vieillesse ?

Depuis le début de la crise sanitaire, le niveau de vie des Français à la retraite a été préservé. Il demeure supérieur à celui du reste de la population, d’au moins 2 %. Pour autant, la question du pouvoir d’achat des pensions reste un grand sujet de préoccupation pour les Français. Deux tiers des Français jugent que leur pension est ou sera insuffisante pour vivre correctement.

Si le report puis la suppression du projet de loi ont atténué les craintes des Français en matière de retraite, le niveau d’inquiétude demeure cependant élevé. Ce sont les jeunes actifs (25/34 ans) qui sont les plus inquiets pour leur future pension (78 %). Les femmes (72 %) le sont plus que les hommes (60 %). Trois quarts des ouvriers et des employés sont inquiets pour leur retraite contre 63 % des cadres. Preuve d’un ressenti défavorable en matière de niveau de vie, 51 % des retraités pensent que leurs pensions sont insuffisantes. La hausse des prix, provoquée par la crise sanitaire et le conflit en Ukraine, ne peut que conforter ce sentiment. Cette anxiété persistante sur la pérennité du système de retraite se nourrit de la succession de réformes. Pour chacune d’entre elles, les pouvoirs publics indiquent qu’il s’agit de la dernière des dernières, ce qui est une source de discrédit de la parole publique.

Face à cette crainte de baisse du pouvoir d’achat à la retraite, les Français acceptent l’idée d’une réforme à condition de ne pas toucher à l’âge de départ à la retraite qui constitue le curseur que les pouvoirs publics entendent justement bouger.

Selon l’enquête du Cercle de l’Épargne/Amphitéa, seulement 42 % des Français se déclarent prêts à travailler jusqu’à 65 ans sachant que la question posée mentionnait que ce recul était subordonné à une amélioration du montant de la pension. Ce ratio est de 55 % chez les commerçants/artisans et de 62 % chez les cadres et les professions libérales. Ces catégories socioprofessionnelles se caractérisent par un âge de départ pour leurs membres déjà supérieur à 62 ans. A contrario, les ouvriers sont opposés à un report de l’âge légal. Les jeunes sont plutôt favorables à un tel report quand les 50/64 ans y sont opposés (66 % contre). La crainte de souffrir d’un recul de l’âge de la retraite affecte naturellement ceux ou celles qui sont à proximité des 62 ans. Les jeunes étant peu concernés et étant convaincus que les générations les précédant ruineront le système souhaitent le report de l’âge légal. Si une majorité de Français sont hostiles au report de l’âge légal, ils restent favorables à une réforme des régimes de retraite pour garantir leur pérennité. Seulement 20 % sont pour le statu quo, 46 % se prononcent pour l’instauration d’un régime unique et 34 % sont pour l’instauration d’un système autour de trois pôles, salariés, indépendants et fonction publique avec disparition des régimes spéciaux. L’acceptation d’une réforme est à mettre en parallèle avec la dégradation voire la disparition de la couverture d’assurance vieillesse. Si la réforme est nécessaire, elle se doit la plus indolore possible. Entre l’objectif de réduction des déficits publics et la demande d’amélioration du pouvoir d’achat sans pour autant toucher à l’âge légal de départ à la retraite, la voie est étroite et tortueuse pour les pouvoirs publics.

A lire dans le Mensuel N°96 du Cercle de l’Epargne

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