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Entre la réforme d’Emmanuel Macron, entrée en vigueur le 1er septembre dernier et celle initiée par Édouard Balladur, trente ans sont passés. L’adaptation de notre système de retraite au vieillissement démographique se réalise par étapes plus ou moins douloureuses. Les discussions ont eu tendance à se durcir au fil des années. Si les réformes n’ont jamais donné lieu à un consensus lors de leur discussion, aucune ne fut remise en cause, quelle que soit la majorité au pouvoir.
En 1993, deux ans après la publication du Livre blanc sur les retraites de Michel Rocard qui soulignait la nécessité de prendre des mesures pour freiner l’augmentation des dépenses en la matière, Édouard Balladur, au cœur de l’été, en grande partie par voie réglementaire, prit des mesures dont l’ampleur fut sous-estimée. Il allongea la durée de cotisation de 37,5 à 40 années et décida que la pension de base serait dorénavant calculée en fonction des vingt-cinq meilleures années et non plus en fonction des dix meilleures. Par ailleurs, les salaires de référence cessèrent d’être indexés sur le salaire moyen. Cette réforme ambitieuse ne concerna que le secteur privé. Son élargissement à la fonction publique n’intervint que dix ans plus tard. Il fallut attendre cinq ans de plus pour que les régimes spéciaux soient également réformés. En 2008, le gouvernement de François Fillon a décidé de porter progressivement la durée de cotisation de 40 à 42 ans. Deux ans plus tard, l’âge légal de la retraite passe de 60 à 62 ans et celui de la retraite à taux plein de 65 à 67 ans. En 2014, Marisol Touraine allonge une nouvelle fois la durée de cotisation en la portant à 43 ans. Neuf ans plus tard, le gouvernement d’Élisabeth Borne fixe l’âge légal de la retraite à 64 ans et entreprend d’éteindre progressivement les régimes spéciaux, les nouveaux salariés des entreprises concernées relevant du régime général.
Ces trente années ont donné lieu à des rendez-vous manqués. Le premier est celui de l’épargne retraite en 1997. À mon initiative, une loi avait été adoptée afin de doter la France d’un régime de retraite supplémentaire individuel et collectif. Pour des raisons partisanes, afin de satisfaire un allié de sa majorité plurielle, Lionel Jospin refusa de publier les décrets d’application et abrogea le texte. Il fallut attendre 2003 avec la création du PERP et du PERCO et surtout 2019, avec l’instauration du PER, pour avoir en France un système global d’épargne retraite. La France paie cher en termes de retraite et de financement des entreprises le retard pris en matière de capitalisation. L’autre grand rendez-vous manqué est celui de la réforme systémique. Dès 1993, l’idée d’une refonte du système des retraites, jugé complexe et inégalitaire, est avancée. En 2018, conformément à son engagement de campagne, Emmanuel Macron propose la création d’un système universel de retraite par points fusionnant les régimes de base et complémentaires. Cette réforme suscita, au fil des discussions, de nombreuses craintes en raison de son caractère technocratique. La cristallisation des oppositions et la crise sanitaire en eurent raison. Force est de constater pourtant que des progrès sont à réaliser au niveau du système français. La poursuite du processus de convergence entamé en 1993 serait souhaitable.
2023 ne sonne certainement pas la fin des réformes. Au-delà de la simplification, des ajustements seront encore nécessaires pour faire face au vieillissement de la population qui s’accélérera dans les prochaines années. Les marges de manœuvre sont néanmoins de plus en plus faibles. La durée de cotisation retenue pour obtenir la retraite à taux plein figure parmi les plus longues au sein de l’OCDE. Pour l’âge de départ à la retraite, il serait possible de le reporter encore d’un à deux ans, mais cela supposerait une réelle augmentation du taux d’emploi des seniors et une adaptation des conditions de travail de ces derniers.
Les réformes des retraites n’ont pas, contrairement à la prévision de Michel Rocard, entraîné la chute d’un gouvernement. Si, dans sa grande majorité, la population française est opposée à toute mesure reportant l’âge réel de départ à la retraite, elle est également consciente des conséquences du vieillissement démographique. Comme le dernier sondage AG2R LA MONDIALE – AMPHITEA – CERCLE DE L’ÉPARGNE l’a souligné, les Français ont intégré qu’une autre réforme sera nécessaire après celle de 2023. Affaire à suivre !
Jean-Pierre Thomas
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