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Trois questions à Philippe Crevel : économie, quoi de neuf en ce milieu d’année ?

Economie 6 juillet 2023

3 questions à Philippe Crevel, Directeur du Cercle de l’Épargne

En ce milieu d’année 2023, comment appréciez-vous l’évolution de l’inflation ?

En ce début d’été, la baisse de l’inflation semble se dessiner grâce à l’accalmie sur le front des produits énergétiques. La bataille des prix n’est pour autant pas encore gagnée. La baisse des cours du pétrole est liée à la faiblesse de la croissance chinoise et à la capacité des Russes à contourner les embargos. Au cœur de l’été, les pays européens seront amenés à remplir leurs réserves de gaz pour l’hiver prochain, ce qui pourrait provoquer quelques tensions sur les prix. Par rapport à l’année dernière, ce remplissage devrait être néanmoins plus facile même s’il se réalise du moins officiellement sans aucun apport russe. En effet, en un an, les circuits d’approvisionnement du gaz ont été améliorés. Au cours du second semestre 2023, la revalorisation des rémunérations pourrait prendre de l’acuité. Les salariés ont subi des baisses de pouvoir d’achat durant les six premiers mois de l’année, ce qui pourrait favoriser l’émergence de revendications. Si elles étaient satisfaites, elles pourraient alimenter une inflation de second tour. Ce phénomène est d’autant plus possible que les entreprises répercutent sur leurs prix finaux leurs hausses de coûts afin de maintenir leur taux de marge. Les entreprises ne peuvent pas, en effet, compter sur les gains de productivité pour compenser les hausses de prix, ces derniers étant absents depuis trois ans.

Le retour de l’inflation dans la zone cible des 2 % ne sera pas évident car plusieurs facteurs jouent en sens inverse, dont les pénuries de main-d’œuvre et la transition énergétique. Les difficultés de recrutement contribuent à la hausse des salaires. Les énergies renouvelables sont une source d’inflation. Elles exigent des investissements coûteux et sont, en l’état actuel des techniques, moins efficientes que les énergies carbonées. Le vieillissement démographique avec une demande accrue de services à la personne est également une source potentielle de hausse des prix. Les relocalisations sont également un facteur inflationniste.

Une reprise de la croissance est-elle possible d’ici la fin de l’année ?

L’économie française est confrontée à un ralentissement de sa croissance depuis le printemps 2022. Ce dernier fait suite à un vif rebond intervenu après la récession historique de 2020 provoquée par les confinements. Après une progression du PIB de 6,8 % en 2021, un repli de la croissance était prévisible. Il a été plus rapide en raison des chocs d’offre encaissés par les pays occidentaux. La forte augmentation des prix des matières premières, de l’énergie et des produits agricoles a cassé net la croissance. Cette augmentation a occasionné un transfert de richesses au profit des pays producteurs. Les difficultés d’approvisionnement et les pénuries de main-d’œuvre ainsi que le sous-investissement de ces dernières années ont également contribué à l’atterrissage rapide de l’activité.

Le ralentissement de la croissance est, en partie, la conséquence du durcissement de la politique monétaire. Pour empêcher toute spirale inflationniste, les banques centrales ont, comme principal moyen, la hausse des taux directeurs. De la sorte, elles refroidissent les économies en réduisant la production de crédits et par ricochet la demande.

La France, à la différence de l’Allemagne, échappe à la récession. Cette différence s’explique par l’importance des dépenses publiques en France, près de 59 % du PIB, qui jouent le rôle d’amortisseur, et le poids du secteur des loisirs (tourisme compris), secteur qui enregistre de bons résultats depuis plusieurs mois. L’économie française devrait néanmoins peiner à atteindre le 1 % de croissance attendu par le gouvernement compte tenu des difficultés de ses principaux partenaires et des baisses de pouvoir d’achat supportées par les ménages. Une amélioration en fin d’année est possible en cas de recul confirmé de l’inflation qui permettrait une stabilisation des taux d’intérêt. Les ménages pourraient également puiser dans leur épargne. Depuis le début de la crise sanitaire, en 2020, ils n’ont pas réellement puisé dans leur cagnotte. Ils continuent même à la renforcer, le taux d’épargne étant trois points au-dessus de son niveau de 2019. En 2024, la croissance pourrait se situer autour de 1,5 %. Elle est brimée par la dégradation de la productivité et un taux d’emploi encore trop faible.

Baisse des prix de l’immobilier, bonne tenue des actions, augmentation du rendement des fonds euros, assistons-nous à un changement de cap en matière de placements ?

Avec la hausse des taux d’intérêt et le durcissement de l’accès au crédit, les prix de l’immobilier ont tendance à diminuer. Pour le moment, la baisse est, en France, bien plus faible que celle constatée au Royaume-Uni ou aux États-Unis. Cette situation s’explique, en France, par la faiblesse, dans certaines régions, de l’offre. La concentration de la population au sein des grandes agglomérations ainsi que sur les littoraux, dans un contexte de faible construction, limite la chute des prix. La demande de logements est également favorisée par la multiplication des locations saisonnières. La perspective des Jeux Olympiques devrait également porter les prix, du moins jusqu’au milieu de l’année prochaine. De leur côté, les marchés actions résistent bien au ralentissement de la croissance. La bonne tenue des résultats des entreprises contribue à la valorisation des cours. Les entreprises ont répercuté sur leurs prix une grande partie de la hausse des coûts subie depuis un an. Elles ont ainsi réussi à maintenir leurs marges. Pour la France, la forte croissance des entreprises du luxe en lien avec le rebond du tourisme et la fin de la politique du zéro covid en Chine porte le CAC40. Les investisseurs estiment que la plus grande partie des augmentations de taux directeurs est intervenue, laissant présager une amélioration de la situation conjoncturelle.

Pour l’assurance vie, la hausse des taux des fonds euros devrait se poursuivre en 2023 en lien avec celle des taux d’intérêt des obligations d’État et de la bonne tenue des marchés financiers. Si en 2022 et au cours du premier semestre 2023, les épargnants ont privilégié l’épargne de précaution et notamment le Livret A, il pourrait en être autrement dans les prochains mois. La baisse de l’inflation devrait occasionner celle des rendements des livrets réglementés. Les courbes de taux entre ceux-ci et ceux des fonds euros pourraient ainsi se croiser. Par ailleurs, l’assurance vie bénéficiera de la progression des unités de compte.

L’inflation et la hausse du taux du Livret A ont eu au moins un avantage, celui d’inciter les ménages à réduire leurs liquidités sur leurs comptes courants, liquidités qui ne leur rapportent rien. Ainsi, de septembre 2022 à avril 2023, l’encours des dépôts à vue est passé de 542 à 505 milliards d’euros. Il reste néanmoins supérieur de 100 milliards d’euros à son niveau de décembre 2019 avant la crise sanitaire. Ce dégonflage pourrait se poursuivre dans les prochains mois avec une orientation peut être plus favorable à l’épargne de long terme, ce dont pourraient profiter l’assurance vie et le Plan d’Épargne Retraite.

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