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La France compterait, selon Hélène Rossinot, médecin spécialiste des questions de dépendance, 11 millions d’aidants. Pour atteindre ce résultat, elle est partie de la dernière étude de la DREES [direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques du ministère des solidarités et de la santé] datant de 2008. Cette étude évaluait alors leur nombre à 8,3 millions. Hélène Rossinot estime que l’administration devrait être dotée d’indicateurs actualisés régulièrement sur ce sujet. Il est à ses yeux difficile de mener une réforme sur la dépendance sans avoir des données fiables. Or, depuis dix ans, tous les rapports reposent sur des statistiques non actualisées. Les principaux pays de l’OCDE ont développé des bases de données sur la dépendance afin d’avoir une vision aussi précise que possible de la situation. Hélène Rossinot considère que les études de la Santé sous-estiment l’implication des enfants et des petits-enfants.
Du fait des difficultés à avoir accès à des aides-soignants, les aidants familiaux sont contraints de remplir des missions pour lesquelles ils n’ont reçu aucune formation.
Du fait de cette absence de formation, les aidants sont confrontés à de nombreux risques : burn-out, anxiété, troubles du sommeil, dépression… Sur le plan physique ils peuvent souffrir de lombalgies, de troubles musculosquelettiques, mais aussi d’une baisse des fonctions immunitaires et de problèmes cardiaques. 20 % des aidants ayant une charge de travail supérieure à 20 heures par semaine sont concernés. Une étude de la Commission européenne de 2016 montrait que les aidants français étaient ceux qui rencontraient le plus grand nombre de problèmes de santé. Cette surexposition française est liée à l’espérance de vie élevée. Celle-ci a pour conséquence que les aidants y sont âgés et donc fragiles. Par ailleurs, la priorité donnée au maintien à domicile transfère une grande partie de la charge de travail liée à la dépendance sur les aidants. Les problèmes de santé de ces derniers génèrent des coûts importants à la charge de la Sécurité sociale et à celle des entreprises qui doivent faire face à un taux d’absence élevé. Au niveau mondial, selon l’OMS, 647 millions d’individus en âge d’être actifs ne travaillent pas car ils sont des « prestataires de soins non rémunérés à autrui », autrement dit des aidants. Parmi eux, on compte 606 millions de femmes. En France, la moitié des aidants familiaux travaillent en entreprise, et ils représentent au moins un salarié sur six. Dans le cadre de la réforme des retraites, certains estiment qu’il faudrait tenir compte des périodes d’inactivité provoquée par la dépendance d’un proche. Cela concerne pour le moment essentiellement les femmes qui ont déjà des pensions plus faibles que celles des hommes.
En France, 50 % des aidants travaillent. 79 % indiquent avoir des problèmes à concilier leur vie professionnelle et leur rôle d’aidant. 44 % sont contraints de poser des jours de congé pour s’occuper de leur proche alité. 72 % estiment que leur productivité au travail en pâtit (Baromètre des aidants de BVA – septembre 2018). Selon une étude de l’IGAS de 2017, les salariés en situation d’aidants ont 40 % de plus d’absence que ceux qui n’ont pas de personne à charge. Les aidants sont à l’origine de 24 % des arrêts de courte durée (3 à 5 jours).
À Taïwan, 64 centres de ressources pour aidants de personnes dépendantes ont été créés. À terme, le pays qui compte 23 millions d’habitants devrait être doté de 80 centres. Ces centres ont vocation à épauler les aidants dans le cadre des difficultés qu’ils peuvent rencontrer dans l’accompagnement de la personne dépendante. L’aide est à la fois technique et psychologique. Les collaborateurs de ces centres peuvent jouer le rôle d’intermédiaire et de médiateur auprès des établissements en charge des personnes dépendantes. Ils peuvent définir des parcours de soins et prendre en compte les impératifs professionnels de la famille, de même que ses ressources. L’Association taïwanaise des aidants familiaux joue un grand rôle en accompagnant les familles concernées. Les Taïwanais peuvent suivre des cours, des formations afin de pouvoir mieux aider les personnes dépendantes.
La France a d’importants progrès à réaliser pour humaniser ses établissements de santé. Le nombre d’intermédiaires entre le corps médical, les patients et les malades doit être accru. Face à une médecine de plus en plus technique, face à l’accroissement de la demande de soins, les médecins sont surchargés et peinent à maintenir un contact de qualité. Face à des situations de dépendance, de maladies invalidantes, les patients et les familles sont désemparés. Il est important de remettre du liant. Le traitement de la douleur, malgré des progrès réalisés ces dernières années, reste encore insuffisant. Quand les patients sont amenés à être hospitalisés à domicile, bien souvent les moyens dévolus à la lutte contre la douleur sont insuffisants. Si les moyens pour réduire les souffrances existent, bien souvent les professionnels, faute de temps et d’écoute des malades ainsi que des familles, ne mettent pas en place les protocoles.
Les assistantes sociales dans les hôpitaux sont débordées, et malgré leur dévouement, peinent à résoudre les problèmes auxquels sont confrontées les familles. Elles rencontrent notamment des difficultés pour organiser les soins à domicile (infirmières, kinésithérapeutes, etc.). Avec les problèmes de transports que ce soit en milieu urbain ou en milieu rural ainsi que le souhait légitime du personnel soignant d’avoir des vies de famille aussi normales que possible, il est compliqué de bâtir des emplois du temps permettant de répondre aux besoins des personnes dépendantes à domicile.
Le renforcement des équipes d’accompagnement des familles constitue donc une nécessité pour faire face au défi du vieillissement dans les prochaines années. Des moyens seront indispensables pour créer des maisons de soins dédiées à la dépendance et pour former du personnel. Par ailleurs, les EHPAD devront certainement davantage jouer un rôle de centres de logistique pour la dépendance dans les prochaines années. Il faut que dans un seul lieu puissent se concentrer les équipements, et les compétences pour gérer le plus grand nombre de situations.
A lire dans Mensuel N°66 – Octobre 2019
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