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« De l’art des balles perdues » par Jean-Pierre Thomas, Président du Cercle de l’Épargne

Les éditos du Président 10 novembre 2025

Le 14 octobre dernier, le Premier Ministre, Sébastien Lecornu, s’est engagé lors de son discours de politique générale à l’Assemblée nationale à suspendre la réforme des retraites promulguée le 14 avril 2023.

Cette suspension n’obéit pas à des considérations économiques ou financières, mais essentiellement politiques. Elle permet au gouvernement d’échapper au vote d’une motion de censure. C’est la première fois en 30 ans qu’une réforme des retraites est remise en cause, les oppositions ne l’ayant jamais acceptée.

Compte tenu du déficit des régimes de retraite et de son aggravation attendue dans les prochaines années, la question des compensations financières s’est immanquablement posée. Le gouvernement a proposé de faire contribuer les actuels retraités par une sous-indexation de leurs pensions. Au nom d’une solidarité de corps, ils seront ainsi appelés à financer le départ anticipé des futurs retraités.

Le gouvernement a également proposé dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale d’augmenter les taxes sur les complémentaires santé. Ce filon souvent utilisé dans le passé est un impôt déguisé sur les assurés et notamment les retraités qui par définition ne peuvent pas compter sur une couverture collective.

Les groupes parlementaires ayant comme ligne d’horizon la prochaine élection présidentielle ont rejeté les propositions du gouvernement, préférant de taxer l’épargne à travers une hausse de la CSG et la création d’un impôt sur la fortune dite improductive.

Le coût de la suspension apparaît limité : une centaine de millions d’euros en 2026, puis 1,4 milliard d’euros en 2027. La génération 1964, qui n’aurait logiquement dû partir à la retraite qu’à partir du 1er janvier 2027, pourra, pour ses membres nés dans les premiers mois de l’année, liquider ses droits dès la fin de 2026. Cela concerne, dans les faits, peu d’assurés, d’autant qu’ils doivent, pour ce faire, avoir cotisé au moins 170 trimestres.

Dans les prochaines années, les départs à la retraite toucheront des personnes au niveau d’études plus élevé, entrées plus tardivement sur le marché du travail que leurs aînés. La durée de cotisation jouera donc un rôle de plus en plus déterminant. Celle-ci a augmenté depuis 1993 bien plus vite que l’âge légal : cinq années pour la première, contre deux ans et neuf mois pour le second. En pratique, les cadres sont appelés à partir bien au-delà de 62 ans pour bénéficier d’une retraite à taux plein.

Si, aujourd’hui, environ 10 % des nouveaux retraités subissent une décote, ce ratio devrait progresser dans les années à venir. La question du pouvoir d’achat des futurs retraités pourrait donc se poser avec une acuité nouvelle. Il est de bon ton de souligner que leur niveau de vie reste, pour l’instant, supérieur à celui de la moyenne de la population, mais cet avantage est appelé à s’effriter. Supérieur de 2 % aujourd’hui, le pouvoir d’achat des retraités pourrait reculer de plus de 10 % d’ici le milieu du siècle. Avec les nouvelles règles de désindexation, cette érosion risque même d’être accélérée.

Les réformes accumulées depuis 1993 commencent à peser lourdement sur les revenus des retraités : calcul de la pension de base sur les 25 meilleures années au lieu des 10, désindexation par rapport au salaire moyen, allongement de la durée de cotisation, baisse du rendement des points des régimes complémentaires… Tout concourt à une diminution tendancielle des pensions.

Le législateur, l’exécutif et les corps constitués ont fait le choix du « non-travail » au prix d’une baisse du revenu des retraités, choix confirmé par la volonté de durcir les règles du cumul emploi-retraite. La tentation malthusienne est à l’œuvre, une fois encore. L’attrition semble être devenue la clef de voûte de l’action publique, alors qu’il serait au contraire indispensable d’augmenter le volume de travail afin de préserver le financement d’un système de protection sociale parmi les plus généreux au monde.

À ce titre, la volonté exprimée par certains parlementaires de supprimer le Plan d’Épargne Retraite montre qu’un immense travail de pédagogie reste à accomplir. Dans tous les pays occidentaux, les compléments par capitalisation bénéficient de régimes fiscaux incitatifs. Ces dispositifs s’adressent prioritairement à ceux dont les taux de remplacement (pensions/revenus d’activité) sont faibles. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que l’épargne retraite constitue un levier crucial d’orientation de l’épargne vers les entreprises, qui ont des besoins de financement considérables pour préserver leur compétitivité.

Au lieu de s’épuiser dans des combats dépassés, il est urgent de retrouver les moyens de fortifier notre croissance et d’assurer le meilleur niveau de vie possible aux Français.

Jean-Pierre Thomas

Président du Cercle de l’Épargne


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