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Corse : laboratoire du vieillissement démographique ?

Retraite 11 juin 2025

Depuis un demi-siècle, la Corse connaît une transformation démographique profonde. Territoire longtemps faiblement peuplé, l’île a vu sa population croître de manière continue, portée non par la natalité mais par un afflux migratoire. Derrière cette croissance apparente se cache une autre réalité : un vieillissement rapide, inégalement réparti, qui reconfigure les besoins sociaux, sanitaires et territoriaux de l’île.

Une île qui vieillit vite, et de manière inégalitaire

Entre 1975 et 2021, la population corse a augmenté de 54 %, passant de 226 000 à 348 000 habitants. Mais cette dynamique est portée exclusivement par les migrations. Le solde naturel est devenu négatif depuis plus d’une décennie, et l’indice de fécondité (1,2 enfant par femme en 2024) est désormais l’un des plus bas de France.

Aujourd’hui, un quart des habitants a plus de 65 ans. Si cette proportion peut sembler gérable, c’est sa progression qui interpelle : les plus de 80 ans ont triplé en cinquante ans et devraient doubler à nouveau d’ici 2045. L’âge moyen augmente, et la part des actifs (20-64 ans) diminue.

Cercle de l’Épargne – données INSEE

Un territoire déséquilibré : les fractures du rural

Le vieillissement de la Corse n’est pas homogène. Il se concentre dans les zones rurales, notamment dans l’intérieur de l’île, où les jeunes partent faute d’opportunités et où les équipements publics se raréfient. Dans de nombreux villages, les personnes âgées représentent plus d’un tiers de la population. L’isolement géographique s’ajoute alors à l’isolement social. Le recul des services publics (poste, écoles, soins de proximité) accroît la fragilité des plus âgés et pèse sur les aidants.

La concentration croissante de la population dans les périphéries d’Ajaccio et de Bastia renforce les déséquilibres. L’intérieur se vide lentement, tandis que les zones littorales s’étendent, souvent sans planification urbaine adaptée. L’enjeu est désormais de repenser l’équilibre territorial, non pas en opposant les régions, mais en réhabilitant l’idée d’une continuité territoriale accessible et solidaire.

Logement et dépendance : une double vulnérabilité

La Corse compte aujourd’hui plus de 262 000 logements, contre 105 000 en 1975. Mais cette explosion du parc cache des réalités complexes. Les résidences secondaires représentent plus d’un tiers des logements. Le nombre de logements vacants hors saison masque un accès difficile au logement pour les résidents à l’année, notamment les jeunes actifs… et les personnes âgées. Le vieillissement de la population exige une adaptation du bâti existant : logements de plain-pied, sécurisation des sanitaires, domotique basique, accès aux commerces et aux soins à distance raisonnable. Or, une large partie du parc immobilier, en particulier dans l’intérieur, reste inadaptée. Les aides à la rénovation sont encore peu mobilisées par les plus de 70 ans, souvent pour des raisons de complexité administrative ou d’isolement. À cette problématique s’ajoute celle de la dépendance. Les projections suggèrent une forte hausse des besoins en accompagnement à domicile. Pourtant, l’offre de services reste insuffisante : manque d’aides-soignants, faible couverture des services d’aide à domicile, délais d’accès aux établissements médicalisés. Dans certaines microrégions, les familles doivent parcourir des dizaines de kilomètres pour accéder à un Ehpad ou à une consultation de gériatrie.

Cercle de l’Épargne – données INSEE

Transports : un verrou majeur

La question du vieillissement ne peut être abordée sans celle de la mobilité. Or, en Corse, elle reste un frein quotidien pour les personnes âgées, notamment en milieu rural. Les transports en commun sont rares, voire, parfois, inexistants. La dépendance à la voiture individuelle devient alors une forme d’exclusion pour les personnes qui, avec l’âge, ne peuvent ou ne souhaitent plus conduire. Ce déficit de mobilité complique l’accès aux soins, aux administrations, aux commerces – et renforce le sentiment d’abandon dans certaines communes de montagne. Penser la vieillesse en Corse, c’est donc aussi repenser l’accessibilité, en adaptant les services de transport à la demande, à travers le développement de navettes sociales, ou des permanences de proximité.

La Corse fait face à un défi démographique d’une ampleur comparable à celle des pays du sud de l’Europe. Le vieillissement doit être accompagné, encadré, humanisé. Cela suppose de repenser l’aménagement du territoire, d’investir dans les services de proximité, de rénover le logement existant non seulement à Ajaccio et Bastia, mais dans tous les territoires. La transition démographique n’est pas une menace pour l’île. Elle est un test de sa capacité collective à préserver son identité tout en protégeant les plus fragiles.

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