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La France procrastine depuis une trentaine d’années en matière de retraite. Élu jeune député des Vosges en 1993, je me suis investi dans le dossier de l’épargne retraite, qui était l’une des voies préconisées par le Livre blanc de Michel Rocard, publié deux ans auparavant. J’ai rapidement déposé, avec l’appui de mon groupe parlementaire et du président de l’Assemblée nationale de l’époque, Philippe Séguin, une proposition de loi visant à créer des fonds de pension. Que ce soit à Matignon ou à Bercy, il m’a été demandé d’être prudent, de temporiser, de ne pas précipiter les choses par crainte de susciter l’hostilité des partenaires sociaux. Cette proposition de loi ne devait pas interférer avec les mesures en préparation destinées à modifier le régime par répartition, déjà déficitaire.
Grâce au soutien du président de la Commission des finances de l’Assemblée, Jacques Barrot, du rapporteur général du Sénat, Philippe Marini, ainsi que du président du Sénat, Christian Poncelet, après plusieurs années de négociations, la proposition de loi a été adoptée et publiée au Journal officiel. Elle prévoyait la création d’un système à deux étages : un collectif, avec une gestion paritaire, et un autre individuel. Faute de décrets d’application, ce texte est resté lettre morte, avant d’être abrogé en 2001 par Lionel Jospin. En 2003, le gouvernement de François Fillon a créé le Plan d’Épargne Retraite Populaire et le Plan d’Épargne Retraite Collectif, mais ces deux produits ne couvraient qu’une partie des actifs. En 2019, la loi PACTE, avec la création du Plan d’Épargne Retraite, a simplifié et rationalisé le paysage de l’épargne retraite.
En 2025, un actif sur quatre a accès, à titre collectif ou individuel, à un supplément d’épargne retraite. La capitalisation représente 2,3 % des prestations de retraite et moins de 6 % des cotisations. L’encours est inférieur à 300 milliards d’euros, soit moins que le Livret A (443 milliards d’euros) et bien moins que l’assurance vie (1 900 milliards d’euros). Chez nos partenaires, les suppléments par capitalisation fournissent, en moyenne, 15 % des revenus des retraités.
La capitalisation n’est pas la solution qui résoudra d’un coup de baguette magique les problèmes structurels du régime par répartition, liés au vieillissement démographique et à la faiblesse de la croissance. En revanche, elle permet, grâce aux résultats des entreprises à l’échelle mondiale, de générer des suppléments de revenus. Aujourd’hui, les entreprises françaises, avec leurs bénéfices, financent les retraités américains, britanniques ou néerlandais, alors que les nôtres ne peuvent pas bénéficier des dividendes des entreprises mondiales. Un étrange paradoxe !
Nous ne rattraperons pas le temps perdu, mais il serait absurde de considérer, une fois de plus, que ce n’est pas le moment d’agir ! Les objectifs sont simples : ne pas déshabiller Pierre pour habiller Jacques, c’est-à-dire qu’il ne s’agit en aucun cas de substituer la capitalisation à la répartition ; permettre à tous les actifs d’avoir accès à un produit d’épargne retraite, quel que soit leur statut ou leur entreprise ; mettre en place une gestion paritaire, comme à l’AGIRC-ARRCO, le régime complémentaire des salariés, dont la qualité de la gestion est reconnue.
Chaque actif devrait avoir un compte d’épargne retraite dès son premier emploi, comme il dispose d’un compte personnel de formation. Ce compte retracerait tous les versements effectués au titre de l’épargne retraite. L’épargne salariale et les primes de partage de la valeur ajoutée devraient être, par défaut, affectées à l’épargne retraite. Des accords de branche devraient être négociés afin de créer des fonds de pension paritaires couvrant toutes les entreprises, petites ou grandes. Le régime additionnel de la fonction publique, qui perçoit des cotisations de la part des fonctionnaires et des collectivités publiques assises sur une partie des primes et qui fonctionne comme un fonds de pension, devrait être étendu. L’État pourrait loger dans un fonds de pension l’ensemble de ses participations – environ 200 milliards d’euros d’actifs – pour accélérer sa montée en puissance. Les fruits de sa gestion seraient reversés aux retraités.
Le développement de la capitalisation pourrait favoriser l’émergence, enfin, d’une retraite à la carte. Permettre à ceux qui le souhaitent de partir plus tôt à la retraite pour des raisons personnelles, physiques ou mentales n’est pas déraisonnable. Il convient de mieux prendre en compte les parcours de vie. La capitalisation doit être instillée pour fluidifier les rouages complexes du système de retraite. Il n’est pas interdit d’être ambitieux en ce début d’année 2025 !
Jean-Pierre Thomas
Président du Cercle de l’Épargne
contact@cercledelepargne.com