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Aux origines de l’abattement de 10 % des retraités

Retraite 8 mai 2025

Dans un entretien au « Parisien » publié le 19 avril dernier, la ministre chargée des comptes publics, Amélie de Montchalin a déclaré : « On ne peut pas indéfiniment mettre à contribution les actifs pour financer les nouvelles dépenses sociales liées au vieillissement ». Déjà évoquée au moment de la discussion du projet de loi de finances pour 2025, la suppression de l’abattement de 10 % sur les pensions des retraités lors du calcul de l’impôt sur le revenu est à nouveau dans le collimateur. Quelle est l’origine de cet abattement ? Est-il justifié d’y mettre un terme ?

La disposition en vigueur pour les salariés

En France, les salariés qui n’optent pas pour les frais réels bénéficient pour l’impôt sur le revenu d’une déduction forfaitaire de 10 %. Elle a été instaurée pour simplifier la prise en compte des frais professionnels des salariés, tels que les frais de transport. Son montant minimum pour l’impôt sur le revenu 2024 est de 504 euros par salarié, sauf si la rémunération déclarée est inférieure à ce montant. Dans ce cas, la déduction est égale au montant du salaire brut. Le montant maximal de l’abattement est de 14 426 € par salarié. Ce dispositif est en vigueur depuis le 30 avril 1950.

L’extension aux retraités

L’article 3 de la loi de finances pour 1978 (loi n° 77-1467 du 30 décembre 1977) a prévu un abattement de 10 % pour les contribuables titulaires de pensions ou de retraite. Cet abattement s’est appliqué à compter de l’imposition des revenus de 1977. Il ne pouvait à l’époque pas excéder 5 000 francs. Ce plafond est revalorisé chaque année dans la même proportion que la limite de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu.

Pour les revenus 2024, le montant minimum est de 442 euros par retraité. Si le montant annuel de la pension est inférieur à 442 euros, l’abattement est égal au montant de la pension. Le montant maximal est de 4 321 euros pour l’ensemble du foyer fiscal, que le foyer soit composé d’une ou plusieurs personnes percevant une pension.

Si un couple de retraités perçoit un total de 50 000 euros de pensions en 2024, l’abattement de 10 % serait de 5 000 euros. Cependant, en raison du plafond, l’abattement appliqué sera limité à 4 321 euros, réduisant ainsi le revenu imposable à 45 679 euros.

Contrairement à une idée reçue, cet abattement n’était pas destiné à couvrir des frais professionnels, les retraités n’étant plus en activité. Il visait plutôt à alléger la charge fiscale des titulaires de pensions, retraites ou rentes, notamment ceux disposant de revenus modestes ou moyens. L’objectif était de compenser le fait que les revenus des retraités étaient déclarés par des tiers (caisses de retraite) ce qui n’était pas le cas à l’époque pour les salariés. L’abattement de 10 % était alors envisagé comme une forme de bonus au profit de ceux étant dans l’impossibilité de frauder le fisc. Cet argument est devenu caduc avec l’instauration de la retenue à la source.

L‘instauration de l’abattement de 10 % en faveur des retraités en 1977 est également la conséquence de la généralisation de l’AGIRC/ARRCO qui se traduisait par un nombre plus élevé de retraités imposables à l’impôt sur le revenu. Par ailleurs, l’abattement permettait de limiter les effets de l’inflation, à l’époque élevée, sur les retraités.

Pour ou contre la suppression de l’abattement de 10 %

L’abattement fiscal de 10 % sur les pensions de retraite représente une dépense fiscale de 4,8 milliards d’euros. Cette niche fiscale se classe après celle du crédit d’impôt recherche (7,8 milliards euros) et du crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile (6,7 milliards euros).

Les retraités bénéficient de dispositifs spécifiques sur le plan fiscal avec l’abattement de 10 % et les exonérations totales ou partielles de CSG. Dans le même temps, le niveau de vie est légèrement supérieur à celui des actifs, mais cette situation est amenée à changer dans les prochaines années. L’abattement de 10 % était historiquement justifié par le fait que les revenus des retraités étaient faibles.

Le montant des pensions reste modeste, en moyenne 1 626 euros en 2022 (rapport sur les retraités de 2024 de la DREES). Compte tenu des réformes adoptées depuis 1993, le niveau de vie relatif des retraités est amené à baisser. Supprimer l’abattement reviendrait à accroître les prélèvements fiscaux et à baisser le pouvoir d’achat de nombreux retraités, notamment ceux de la classe moyenne imposable à l’impôt sur le revenu. 40 % des retraités seraient concernés par cette mesure.

La pension est souvent considérée comme un salaire différé, c’est-à-dire une récompense pour des décennies de travail et de cotisations. L’alourdissement de la fiscalité pourrait être perçu comme une mesure ayant un effet rétroactif remettant en cause la solidarité intergénérationnelle.

Les retraités forment une part importante de l’électorat (plus d’un tiers des votants). Une mesure visant à supprimer l’abattement pourrait avoir des incidences électorales non négligeables.

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