CONTRATS MADELIN
Des propositions pour une nouvelle ambition
par
Jacques Barthélémy
Avocat conseil en droit social
et
Philippe Crevel
Cette première étude réalisée par le Cercle de l’Epargne, de la Retraite et de la Prévoyance, a été rédigée par Jacques Barthélémy, avocat spécialisé en droit social et fondateur du cabinet Barthélémy, par Philippe Crevel et par Sarah Le Gouez membres du Cercle.
Le monde du travail, en France, comprend d’un côté les salariés et de l’autre ceux qui ne le sont pas ; d’un côté un lien de subordination sur lequel s’est construit une couverture sociale, de l’autre, une indépendance toute relative qui s’est accompagnée d’une couverture sociale plus faible. Dans la conception de l’après-guerre, le salariat devait devenir la forme usuelle du droit du travail. Les évolutions techniques, le développement croissant du travail intellectuel mais aussi une volonté des hommes et des femmes de retrouver une plus grande liberté professionnelle ont remis en cause le paradigme de 1945. Néanmoins, le droit évolue moins vite que la technologie et les comportements. Il en résulte des différences de traitement entre indépendants et salariés qui sont autant de sources d’incompréhension.
Néanmoins, depuis plus de vingt ans, des progrès ont été réalisés pour prendre en compte non plus le statut mais l’activité professionnelle. La loi Madelin avec les contrats du même nom figure parmi ces progrès. Elle a joué un rôle clef pour effacer les lignes entre salariés et TNS. Cette loi, relative à l’initiative et à l’entreprise individuelle, est consécutive à un avis du Conseil Economique et Social des 27 et 28 avril 1993 dont le rapporteur était Jacques Barthélémy. Les travailleurs non-salariés, non-agricoles, ont eu ainsi accès à des compléments de pensions de retraite et de garanties de prévoyance constitués par des cotisations déductibles du bénéfice imposable. Ce dispositif spécifique a été étendu par la suite aux exploitants agricoles appelé « Madelin Agricole ».
Vingt ans après sa création, le dispositif juridique a bien résisté aux usages du temps. Son succès en est la meilleure preuve mais des modifications sont néanmoins nécessaires afin de conforter l’égalité de traitement entre salariés et non-salariés. En outre, les Contrats Madelin n’ont pas bénéficié de certaines avancées législatives et réglementaires dont ont bénéficié le Plan d’Epargne Retraite Populaire, le Plan d’Epargne Retraite Collectif ou l’article 83. Au nom de l’égalité de traitement, une harmonisation est indispensable, d’autant qu’elle s’impose au nom du principe constitutionnel d’égalité devant les charges publiques. La règle des 19 % (article 83 du CGI) en vigueur pour les salariés est, en effet, inspirée du souci d’harmonisation du statut social des travailleurs du secteur privé avec celui des fonctionnaires. Enfin, il convient de corriger certaines lacunes ou certains vides pouvant, compte tenu de la jurisprudence, remettre en cause les fondements mêmes des contrats Madelin.
LES PRINCIPES FONDATEURS DES CONTRATS MADELIN TOUJOURS D’ACTUALITE
A la sortie de la Seconde Guerre Mondiale, il était admis que l’avenir était au salariat et en particulier au salariat au sein de grandes structures. Cette prévision s’est révélée exacte durant les Trente Glorieuses et un peu au-delà. Le poids des non-salariés est passé de plus de 14 % de la population active en 1948 à moins de 9 % en 2000.
Le développement des grandes entreprises, le recul de l’emploi agricole, la diminution du petit commerce au profit des super et hypermarchés ont provoqué cette évolution. Il était admis que les PME devaient également à terme disparaître au nom d’une concentration jugée alors inévitable.
Depuis une dizaine d’années, nous constatons un retournement de tendance qui est d’autant plus net si nous excluons la population agricole.
Le monde du travail s’est transformé notamment en raison du rôle accru des techniques de l’information et de la communication. Le travail est de moins en moins physique et de plus en plus intellectuel. Il s’exerce de moins en moins dans le secteur secondaire et de plus en plus dans le secteur tertiaire.
Le passage de la civilisation de l’usine à celle du savoir explique la progression du nombre des indépendants. Par simplicité organisationnelle et afin de contourner les rigidités du droit du travail, les entreprises ont également externalisé une partie de leurs activités au profit de travailleurs non-salariés.
La France comptait, ainsi, en 2013, 2,9 millions de non-salariés occupant 11,2 % des emplois. Pour mémoire, il y avait, toujours en 2013, 22,8 millions de salariés. Avec la création du statut d’autoentrepreneur, le nombre d’indépendants s’accroit chez les actifs les plus âgés comme chez les jeunes. Actuellement parmi les actifs occupés âgés de 50 ans ou plus, 16 % sont non-salariés. Chez les moins de 30 ans, ce taux est de 4,5 % en progression de 1,5 point depuis 2005.
Dans les prochaines années, les frontières entre travail salarié et non salarié ont vocation à s’estomper voire à disparaître. L’augmentation de la mobilité professionnelle et l’allongement des carrières en relation avec celui de l’allongement de la durée de cotisation pour les retraites nous obligent à revisiter le droit du travail. Ce dernier doit être phase avec la civilisation du savoir qui se dessine. Ce droit doit être celui de l’activité professionnelle en relation avec le droit de l’activité économique qui supplante peu à peu celui de l’entreprise. Il faut donc une fois pour toute mettre un terme à l’opposition stérile entre salariés et indépendants assortie d’une différence de protection conçue de manière manichéenne, au profit des premiers. Le droit de l’activité professionnelle ne peut que se caractériser par le fait qu’il concerne tous les travailleurs, du plus subordonné au totalement indépendant, les différences de protection, et donc de statut, ne se concrétisant pas par l’appartenance à une catégorie mais par le degré d’autonomie, donc de responsabilité. Au demeurant, le classement en deux catégories et la construction d’un arsenal protecteur au bénéfice exclusif des travailleurs appartenant à l’une d’elles est une source d’inégalité et de frustrations comme en témoigne l’arrêt du Conseil d’Etat, Dame Barbin, adopté dans la séance du 9 septembre 2014.
Cette jurisprudence doit amener à repenser le droit du travail et à amorcer l’indispensable création d’un droit de l’activité professionnelle avec la prise en compte de la dépendance économique comme facteur de déséquilibre contractuel nécessitant une protection (Jacques Barthélémy « Du droit du travail au droit de l’activité professionnelle » Les cahiers du DRH – éditions Lamy – juin 2008 n° 146 ; Paul Henri Antonmattei et Jean Christophe Sciberras «Le travailleur économiquement dépendant : quelle protection ? » – rapport de novembre 2008 pour le ministre du travail).
La notion d’indépendance et donc de non subordination avait comme corolaire une moindre couverture sociale. La possession de l’outil de travail qui est toute relative valait protection sociale. Le fonds de commerce constituait un patrimoine supposé mobilisable en cas de difficultés. Or, bien évidemment que cette couverture était dès l’origine virtuelle. Elle l’est devenue de plus en plus avec la révolution du commerce que nous avons connue depuis soixante ans et avec l’allongement de l’espérance de vie. Un commerçant, un artisan est autant en situation de vulnérabilité sociale qu’un salarié en cas de retournement de conjoncture. La vente de des fonds de commerce constituait tout à la fois la couverture chômage, prévoyance et retraite. Aujourd’hui, tel n’est plus le cas. Les indépendants se sont rendus compte qu’il fallait mettre en place une protection sociale adaptée à leurs besoins.
Les régimes de base et complémentaires se sont étoffés sans pour autant corriger les inégalités de traitement. Ainsi, le risque chômage ne demeure pas traiter par les régimes de base des indépendants.
La loi de 1994 a créé les groupements Madelin permettant d’apporter aux TNS des revenus de substitution à ceux d’activité en cas de perte d’emploi subie. Ils ont ouvert également l’accès aux TNS à une couverture santé, prévoyance et retraite supplémentaire.
Le 13 janvier 1994, Alain Madelin, ministre des entreprises et du développement économique, chargé des petites et moyennes entreprises et du commerce et de l’artisanat, présentait devant l’Assemblée nationale, ainsi son projet de loi relatif à l’initiative et à l’entreprise individuelle, « la protection sociale des « non-non » – les « non-salariés – non agricoles » – est très en retrait par rapport à celle des salariés, des dirigeants de sociétés affiliées au régime général. C’est ce qui explique le recours à la formule des SARL… Les entrepreneurs individuels ne disposent ni d’une couverture obligatoire pour le risque chômage ni d’indemnités journalières en cas de maladie. Leur retraite complémentaire ou leur régime de prévoyance sont peu développés en ce qui concerne la partie obligatoire. Il y a, à cela, une raison très simple : les cotisations versées pour les régimes facultatifs par les entrepreneurs individuels ne sont pas déductibles de l’impôt sur le revenu, contrairement à ce qui existe pour les salariés des entreprises ou pour les fonctionnaires. II y a là un paradoxe extraordinaire : un entrepreneur individuel peut déduire fiscalement l’assurance de ses machines, mais ne peut pas déduire ses assurances personnelles. Revendication ancienne, revendication principale du rapport Barthélemy, revendication d’équité, revendication, justifiée. Aujourd’hui, avec ce projet de loi, nous accordons la même déduction fiscale des cotisations d’assurances volontaires aux entrepreneurs individuels qu’aux autres actifs. Nous introduisons aussi des souplesses dans la gestion des droits à la retraite de l’entrepreneur individuel ». Les objectifs qui avaient été assignés à la loi ont été, en grande partie, atteints.
LE FONCTIONNEMENT DES CONTRATS MADELIN
Les contrats Madelin s’adressent aux personnes soumises à l’impôt sur le bénéfice industriel et commercial (BIC) ou sur le bénéfice non commercial (BNC) et affiliées au régime obligatoire maladie et vieillesse des TNS (non agricoles). La loi de finances rectificative pour 1995 a étendu ces dispositions aux conjoints collaborateurs.
La souscription d’un contrat Madelin suppose l’adhésion à une association qui souscrit un contrat de groupe auprès d’une compagnie d’assurance. Ce mode opératoire rattache les contrats Madelin à des contrats collectifs et donc au 2ème pilier de la couverture sociale. Il ne s’agit pas d’un produit d’assurance individuelle contrairement à ce qui est fréquemment mentionné.
Les cotisations doivent présenter un caractère régulier dans leur montant et dans leur périodicité. Cette régularité souligne également l’appartenance du Contrat Madelin aux produits de retraite et de prévoyance au 2ème pilier. Pour bénéficier d’un Contrat Madelin, le travailleur indépendant doit, par ailleurs, être à jour de ses cotisations obligatoires.
Pour l’assurance retraite et prévoyance, il est précisé que les cotisations doivent être versées au moins une fois par an. Pour l’assurance retraite, un montant minimal de cotisation est fixé à la souscription. Chaque année, ce montant de base varie proportionnellement au plafond de la Sécurité sociale et l’adhérent peut, s’il le souhaite, faire évoluer sa cotisation entre le montant minimal de base fixé à la souscription et un maximum de 15 fois ce montant.
Les adhérents peuvent verser des cotisations supplémentaires en vue de se constituer une retraite supplémentaire facultative pour les années comprises entre la date de leur affiliation au régime obligatoire d’assurance vieillesse et la date de leur adhésion au contrat de groupe. Le montant de la cotisation supplémentaire versée au cours d’une année est égal au montant total de la cotisation périodique versée au titre de la même année.
La loi prévoit, s’agissant des garanties retraite, la finalité sociale (qui les distingue d’un simple produit d’épargne) qui induit la sortie en rente et l’impossibilité de rachat avant terme du capital déjà constitué. Toutefois, un déblocage anticipé est prévu dans plusieurs situations :
En matière de prévoyance, la règle est aussi la sortie en rente, ce qui n’a de pertinence que pour l’invalidité, d’autant plus que la sortie en capital est admise pour les salariés en cas de décès.
Du fait de leur rattachement à la couverture sociale des TNS, les cotisations versées par les travailleurs indépendants au titre de contrats groupe de retraite, de prévoyance complémentaire et de garantie perte d’emploi peuvent être déduites de leur revenu imposable dans la limite d’un plafond fiscal. La loi de 1994 a de la sorte contribué à une meilleure égalité de traitement en étendant aux TNS le bénéfice de la règle de neutralité fiscale sous plafond des contributions alimentant des garanties collectives de prévoyance et de retraite supplémentaire (Article 154 bis du code général des impôts).
Les détenteurs de contrats « Madelin » peuvent donc déduire du BIC ou BNC avant impôt les cotisations versées à condition que leurs versements présentent un caractère régulier dans leur montant et leur périodicité, sous peine d’une reprise de l’avantage fiscal.
Les plafonds de déductibilité sont les suivants :
Ces taux n’ont pas été fixés par hasard ; ils sont l’expression de la transposition, aux TNS, des règles concernant les salariés, en prenant en compte la spécificité de leurs régimes.
En contrepartie de la déductibilité, les indemnités journalières versées sont à réintégrer dans le revenu professionnel de l’année si l’activité professionnelle se poursuit. En cas d’arrêt de l’activité professionnelle, les indemnités journalières sont imposables à l’impôt sur le revenu après abattement de 10 %.
A la sortie, la rente est soumise au même régime que les pensions de retraite. Elle bénéficie de l’abattement de 10 % et est soumise aux contributions sociales (CSG, CRDS et 1 % maladie, 0,3 % de contribution de solidarité pour l’autonomie). Les prélèvements sociaux sont perçus.
Pour l’ISF, les Contrats Madelin obéissent aux mêmes règles que les PERP (créés plus tard mais dont le régime en est inspiré même s’il s’agit ici de garanties relevant du 3ème pilier).
Les contrats Madelin qui reposent sur des contrats d’assurance de groupe souscrits auprès d’un assureur, après des débuts laborieux, ont rencontré dans la dernière décennie 2000 un réel succès.
Au 30 juin 2014, plus d’un million de contrats de retraite « Madelin » sont en cours de constitution auprès des compagnies d’assurances. Le taux d’équipement des TNS dépasse 58 %.
A la fin juin 2014, le montant des provisions mathématiques des contrats en phase de constitution s’élève à 24,0 milliards d’euros.
A la fin 2013, les cotisations versées au titre des contrats de retraite « Madelin » s’élevaient à 2,8 milliards d’euros et les prestations ont dépassé 1 milliard d’euros.
Source : FFSA-GEMA
Résultats à fin décembre 2013 | |
Nombre d’adhésions En millions | 1,031 |
CotisationsEn milliards d’euros | 2,801 |
Provisions mathématiquesEn milliards d’euros | 22,244 |
Du fait de la jeunesse du produit, la très grande majorité des contrats sont en cours de constitution.
Toujours en raison de la jeunesse de ces produits, l’encours moyen de chaque contrat est assez faible. Il s’élève à 22 500 euros pour les plans en phase de constitution. Il progresse régulièrement ; en 2009, il n’était que de 17 770 euros. Avec de tels montants, les souscripteurs ne peuvent pas s’attendre à bénéficier de suppléments importants au moment de leur cessation d’activité. Pour obtenir un complément mensuel de 1 000 euros à partir de 65 ans, il faut au préalable capitaliser entre 350 000 et 400 000 euros. Peu de plans atteignent ce niveau car les travailleurs non-salariés n’ont versé, en moyenne, sur leur contrat Madelin-retraite que 2 550 euros en 2012. 38 % ont versé moins de 500 euros et 13 % plus de 5 000 euros. Il y a donc un effort à réaliser si les indépendants souhaitent maintenir leur niveau de vie après la cessation d’activité.
L’âge tardif de souscription peut expliquer le faible montant de l’encours. En effet, l’âge moyen est de 44 ans. Seulement 2 % des adhérents Madelin ont moins de 40 ans. En revanche, les derniers résultats de la Fédération Française des Sociétés d’Assurance soulignent une nette évolution. Ainsi, près de 40 % des nouveaux souscripteurs en 2012 avaient moins de 40 ans et 10 % moins de 30 ans.
Les indépendants qui ont liquidé leurs droits dans le cadre de leur contrat Madelin touchent, en moyenne, une rente de 2 240 euros par an. Pour seulement 33 % des bénéficiaires d’une rente, le montant est supérieur à 2 000 euros par an.
Le marché du Madelin est un marché de spécialistes. En effet, il est détenu à 70 % par cinq groupes : Generali, AG2R LA MONDIALE, Axa, Swiss Life et Aviva. Les deux premiers représentent plus de 40 % des cotisations et plus de 36 % des provisions mathématiques.
LES PROPOSTIONS DU CERCLE DE L’EPARGNE
Les contrats Madelin répondent bien aux attentes des non-salariés. Il n’est pas nécessaire de proposer une refonte complète de ce produit qui au fil du temps s’est bien installé dans le paysage de la protection sociale. Notre objectif est avant tout de le conforter comme deuxième pilier professionnel pour les TNS et de garantir à leur profit une plus grande équité de traitement.
La réunification des droits du travail et de la Sécurité sociale passe d’abord par une harmonisation de la protection sociale des salariés et des indépendants. Elle est effective, quoi qu’on en pense, au niveau des régimes de base. Les seules différences tiennent à l’assurance des accidents du travail et à celle de la perte d’emploi subie. S’agissant de la seconde, la raison se trouve dans le fait que le régime d’indemnisation du chômage est d’origine conventionnelle, les partenaires sociaux ne pouvant viser que les titulaires d’un contrat de travail ; on ne peut alors que regretter qu’en 1945, l’idée de Pierre Laroque de construire la Sécurité sociale autour de l’assurance chômage n’aie pas été retenue.
Pour bénéficier des dispositions fiscales prévues par la loi « Madelin », les contrats d’assurance doivent être souscrits par une association qui elle-même contracte avec un assureur. C’est en raison de cette obligation que les contrats Madelin relèvent du deuxième pilier de la protection sociale. Le premier pilier concerne les régimes obligatoires, le deuxième, les régimes professionnels non-obligatoires et le troisième, les systèmes supplémentaires individuels facultatifs. Au nom de cette répartition, le régime des contrats Madelin doit être comparé à celui des couvertures collectives et obligatoires mises en place par les entreprises en matière de retraite ou en matière de prévoyance (article 83). Il convient donc d’aligner la législation des Contrats Madelin sur celle en vigueur pour les produits du 2ème pilier.
Les contrats Madelin sont une réponse au principe d’égalité devant les charges publiques hérité de l’article 13 de la déclaration des droits de l’Homme de 1789. En effet, ils visent à permettre aux non-salariés de pouvoir déduire certaines dépenses réalisées pour leur protection sociale dans des conditions proches à celles en vigueur pour les salariés.
Ce dispositif – intégré dans l’article 154 bis du code général des impôts et, pour les mandataires sociaux non-salariés à l’article 62 du même code – visait, conformément aux propositions du rapport Barthelemy du Conseil économique et social sur l’entreprise individuelle de 1993, principale source de la loi Madelin, à étendre aux travailleurs non-salariés le régime de neutralité fiscale sous plafond des contributions alimentant des garanties de retraite et de prévoyance dont bénéficiaient déjà les salariés du fait de l’article 83 quater du code général des impôts, légitimé depuis la loi du 11 juillet 1985. L’harmonisation était, en effet, dictée par d’une part le souci d’égalité de traitement et d’autre part la volonté d’éviter le recours excessif à la technique sociétaire. La constitution d’une société avait souvent comme seul objectif de faire bénéficier le dirigeant de la protection sociale des salariés. Le contrat Madelin faisait application de la fameuse règle dite des 19 % de neutralité fiscale sous plafond. Initiée pour les salariés à partir d’un comparatif avec la fonction publique, cette règle s’est généralisée progressivement à l’ensemble de la population active. Pour les salariés, elle a été mise en œuvre à l’origine par circulaires administratives dès les années soixante (circulaire du 27 avril 1967).
Permettre la déductibilité sociale
Les contributions alimentant des garanties collectives de retraite et de prévoyance pour les salariés sont non seulement fiscalement neutres mais la part de ces contributions acquittée par l’employeur n’entre pas dans l’assiette des cotisations de Sécurité sociale en vertu de l’article L242-1 alinéas 6 à 8 du code de la Sécurité sociale. Cette disposition fait suite à la loi du 29 décembre 1979 et au décret du 23 juillet 1985 par souci d’alignement des droits de la Sécurité sociale et fiscal.
Compte tenu de la nature des Contrats Madelin, il serait logique que la contribution versée dans le cadre de ces contrats soit déductible de l’assiette du RSI et pour les professions libérales de celle de la CNAVPL. En raison de l’hostilité des administrateurs de la CANCAVA, de l’ORGANIC, de la CNAVPL et de la CANAM, cette mesure n’avait pas pu être adoptée en 1994.
Il conviendrait de retenir un niveau de déductibilité cohérent avec celui des salariés.
Dispositif proposé
Insérer un article L242-11 bis au sein du Code de la sécurité sociale ainsi rédigé :
« Sont déduites de l’assiette des cotisations les versements des travailleurs indépendants aux contrats prévus à l’article L144-1 du Code des assurances dans des limites fixées par décret. »
Autoriser les versements complémentaires
Depuis la loi de 2010 sur les retraites, les salariés peuvent effectuer des versements individuels facultatifs (VIF) si le contrat souscrit l’autorise. Les sommes versées entrent dans l’enveloppe fiscale de l’épargne retraite individuelle.
Cette faculté n’a pas été étendue aux Contrats Madelin. Il s’agit soit d’un oubli, soit d’une mauvaise interprétation de la part du législateur de la nature du Contrat Madelin qui n’est pas un produit d’épargne individuel. Le contrat Madelin relève, comme les contrats article 83, du 2ème pilier de la protection sociale, celui des garanties collectives tandis que le versement volontaire relève du 3ème pilier, celui de l’assurance individuelle.
Par souci de parallélisme, nous proposons d’autoriser les versements individuels sur les Contrats Madelin.
Dispositif proposé
Compléter le 1 du I de l’article 163 quatervicies du Code général des impôts par un d) ainsi rédigé :
« d) aux contrats prévus à l’article L144-1 du Code des assurances »
Garantir la transférabilité des différents produits retraite
Compte tenu de la mobilité croissante des actifs, il est important de garantir la portabilité des droits en matière de produits de retraite et de prévoyance surtout quand ces produits obéissent aux mêmes principes. Un actif peut, en effet, être soumis durant sa carrière professionnelle à plusieurs statuts, fonction publique, salarié, TNS… Par souci de simplicité et d’efficacité, il est important de permettre le transfert des droits accumulés sur un article 83 par exemple vers un Contrat Madelin et inversement.
Cette transférabilité a été admise par la circulaire DSS/5B n°2009-32 du 30 janvier 2009. Ce droit est parfois malaisé à faire respecter. Il conviendrait de l’introduire sous forme réglementaire.
Dispositif proposé
Au 5e alinéa du II de l’article D242-1 du code de la sécurité sociale :
Après les mots « l’article L144-2 du code des assurances » ajouter « ou vers un contrat de prévoyance et de retraite supplémentaire des professions non salariées prévus à l’article L144-1 du code des assurances. »
Permettre une sortie en capital à hauteur de 20 %
Une sortie en capital pour la garantie retraite pourrait être instituée. Certes un produit retraite est un produit avec une sortie en rente. Le législateur ayant prévu une sortie à hauteur de 20 % pour le PERP et les produits assimilés, il serait souhaitable d’élargir cette possibilité au contrat Madelin ; Actuellement, un TNS ayant souscrit à un contrat Madelin pour bénéficier de cette sortie en capital est contraint de le transférer sur un PERP.
Dispositif proposé
Compléter l’article L144-1 du code des assurances par un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« Les contrats peuvent également prévoir le paiement d’un capital à cette même date, à condition que la valeur de rachat de cette garantie n’excède pas 20 % de la valeur e rachat du contrat. »
Harmoniser les règles pour la sortie en capital entre contrat Madelin et article 83
Au nom de l’égalité de traitement, une harmonisation des modes de sortie entre les régimes « salariés » et les contrats Madelin est indispensable.
Dispositif proposé
Le 2° de l’article L144-1 du Code des assurances est complété par l’alinéa ainsi rédigé :
« En cas de décès de l’adhérent aux contrats mentionnés ci-dessus, la prestation versée au(x) bénéficiaire(s) librement désigné(s) peut s’effectuer sous forme de capital ou de rente.
Au deuxième alinéa du I de l’article 154 bis du Code général des impôts, après les mots « régimes facultatifs » insérer les mots « pouvant comporter des possibilités de rachat en capital,… »
Conforter la couverture de tous les travailleurs indépendants
Au gré de la jurisprudence, certaines professions pourraient se voir priver de l’accès aux contrats Madelin. Il convient de conforter que tous les TNS peuvent quelle que soit leur activité un tel contrat.
En effet, récemment, ce droit a pu sembler être remis en cause pour les agents d’assurance. Les agents généraux d’assurance disposent, en vertu de l’article 93 ter du code général des impôts) de la faculté d’opter, en matière d’impôt sur le revenu, pour le régime applicable aux salariés.
La raison de cette exception se trouve dans le fait que si l’agent général d’assurances est un travailleur indépendant en raison de son indépendance technique conséquence de sa qualification de professionnel libéral, il est, malgré l’absence de subordination juridique, en état de dépendance économique à l’égard d’une compagnie d’assurance à laquelle il est lié par un mandat.
Ceci étant, l’option pour la détermination du montant de l’impôt sur le revenu ne remet pas en cause la qualification juridique de TNS, au cas précis de professionnel libéral relevant de droit du statut de travailleur indépendant.
Pourtant, le conseil d’État vient de dénier à ces professionnels libéraux le bénéfice de l’article 154 bis du CGI dans un arrêt Dame Barbin, adopté dans la séance du 9 septembre 2014.
L’article 154 bis du Code général des impôts a pour objectif de compléter la protection sociale de base des non-salariés dont relève l’agent général d’assurances malgré l’option. L’exercice de l’option, née de l’article 93 ter du CGI, ne devrait donc pas faire obstacle à son application.
Au demeurant, la position du conseil d’État conduit à ce que les agents généraux d’assurance ayant opté pour le régime fiscal des salariés sont les seuls travailleurs (de droit privé) ne pouvant pas bénéficier de la neutralité fiscale sous plafond des contributions destinées à alimenter des garanties collectives de retraite supplémentaire et de prévoyance collective, puisque cette option n’est prévue que pour cette profession !
Dispositifs proposés
Au 1er alinéa du I de l’article 154 bis du Code général des impôts :
Après les mots « professions non commerciales » ajouter les mots « y compris quand a été faite l’option prévue à l’article 93 ter du Code des général des impôts. »
Harmoniser la définition de la garantie d’invalidité
Enfin, il conviendrait d’harmoniser la définition de la garantie d’invalidité en s’inspirant de celle en vigueur pour les salariés par le code de la sécurité sociale d’autant que la notion d’invalidité de 2ème catégorie ne correspond pas à la pratique des compagnies.
***
Les modifications présentées dans cette étude visent à améliorer le niveau de couverture des indépendants en retenant comme principe l’harmonisation des règles entre les différents statuts. En effet, les auteurs sont convaincus qu’une plus grande convergence des règles facilitera la mobilité professionnelle et réduira les facteurs de blocage. Cette recherche de fluidité doit s’opérer non pas par un nivellement vers le bas des droits mais par une reconnaissance de droits professionnels indépendamment des statuts dont peuvent relever les actifs.
Le Cercle de l’Epargne, de la Retraite et de la Prévoyance est un centre d’études et d’information présidé par Jean-Pierre Thomas et animé par Philippe Crevel.
Le Cercle a pour objet la réalisation d’études et de propositions sur toutes les questions concernant l’épargne, la retraite et la prévoyance. Il entend contribuer au débat public sur ces sujets.
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Le conseil scientifique du Cercle comprend Robert Baconnier, ancien Directeur général des impôts et ancien Président de l’Association Nationale des Sociétés par Actions, Jacques Barthélémy, avocat conseil en droit social et ancien professeur associé à la faculté de droit de Montpellier, Philippe Brossard, chef économiste d’AG2R LA MONDIALE, Jean-Marie Colombani, ancien Directeur du Monde et fondateur de Slate.fr, Florence Legros, professeur d’université à Paris Dauphine, Jean-Paul Fitoussi, professeur des universités à l’IEP de Paris, Jean-Pierre Gaillard, journaliste et chroniqueur boursier, Christian Gollier, Directeur de la Fondation Jean-Jacques Laffont – Toulouse Sciences Economiques, membre du Laboratoire d’Économie des Ressources Naturelles (LERNA) et Directeur de recherche à l’Institut d’Économie Industrielle (IDEI) à Toulouse, François Héran, ancien Directeur de l’INED et Directeur du département des sciences humaines et sociales de l’Agence Nationale de la Recherche, Jérôme Jaffré, Directeur du CECOP et Jean-Pierre Thomas, ancien député et Président de Thomas Vendôme Investment.
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