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Premier bilan, une année 2018 bien chafouine

Retraite 14 décembre 2018

Si 2017 avait été un bon cru pour les marchés « actions », 2018 se révèle être bien plus compliquée. Même si dans le cadre du traditionnel rallye de fin d’année, les indices boursiers peuvent connaître un rebond avant le 31 décembre, ces derniers devraient, au mieux, rester proches de leur niveau de la fin 2017. Une année pour rien, serions-nous tentés de conclure. Cette année est remplie de paradoxes. La croissance de l’économie mondiale s’est affermie, mais dans le même temps celles de l’Europe et des pays émergents s’effritent. Aucune grande catastrophe économique et financière ne s’est produite, mais dans le même temps les incertitudes et les menaces se sont multipliées. Italie, Brexit, guerre commerciale sino-américaine ont servi de fil rouge, tout comme le train de hausse des taux directeurs conduit par la banque centrale américaine. Pour autant, le contexte économique et financier reste porteur. Les taux d’intérêt réels restent à des niveaux historiquement bas. En effet, avec une inflation de 2 % et une croissance se situant autour de 1,7 %, l’État continue, en France, à emprunter à un taux inférieur à 1 %. En valeur réelle, il emprunte à un taux négatif de -1 point. Les pouvoirs publics réalisent une très bonne opération d’autant plus que les recettes de l’État sont plutôt indexées sur l’inflation. Les taux directeurs sont aux États-Unis sont toujours en dessous des 3 % malgré dix ans de croissance et un plein-emploi bien installé.

L’année 2018 aura été marquée par la crainte assez surréaliste du retour de l’inflation. En effet, après s’être effrayés de la déflation, certains redoutent à présent l’inflation. Pour autant, à y regarder de près, la menace inflationniste est une menace fantôme. En effet, la hausse des prix est avant tout celle du baril de pétrole. L’inflation sous-jacente, celle qui est calculée en excluant les biens et services enregistrant de rapides et fortes fluctuations, demeure, par exemple, en France, proche de 1 %. Toujours en France, en enlevant de l’indice le tabac et l’alcool dont les droits d’accises ont été relevés, les prix n’augmentent plus de 2,2 % mais de 1,7 %. Malgré les tonneaux de liquidités jetés par les banques centrales sur les marchés depuis 2008, malgré le plein-emploi dans plusieurs pays, les prix ne dérapent pas. Cette situation paradoxale est la conséquence de la sagesse des salaires et de la diminution des prix des biens manufacturés. L’existence de capacités de production au sein des pays émergents pèse sur les prix. Le digital est en lui-même déflationniste. Il est à l’origine de nouveaux canaux de vente. Il permet l’entrée de nouveaux acteurs sur de nombreux marchés. Cette concurrence accrue est synonyme de baisse des prix. Avec le digital, les ménages consomment plus de services et moins de biens réels. Auparavant, les services étaient inflationnistes ; aujourd’hui, ce serait presque l’inverse. En effet, la consommation de films sur Internet, la consultation des réseaux sociaux ne se traduisent pas par des augmentations de tarifs.

L’année 2018 est une année d’entre-deux. Les actions, qui avaient servi de valeur refuge durant la période de très faibles taux, n’ont plus le même attrait face aux hausses attendues des taux d’intérêt. La progression des valeurs technologiques, surtout outre-Atlantique, était jugée de plus en plus déraisonnable au regard du potentiel des entreprises concernées. L’action Netflix est passée de 4 à 411 dollars du 2 janvier 2009 au 22 juin 2018. Sa valeur est retombée à 264 dollars le 26 novembre 2018. L’action Apple qui s’élevait à 13 dollars au mois de janvier 2009 a atteint 224 dollars le 5 octobre 2018 avant de redescendre à 172 dollars le 26 novembre. Depuis le début de mois de novembre, Apple a perdu 20 % de sa valeur. La marque à la pomme avait un moment dépassé les 1 000 milliards de dollars de capitalisation soit 40 % du PIB de la France. Dépendant essentiellement de la vente d’un produit soumis à la concurrence de plus en plus forte des géants chinois de l’électronique et de l’informatique, Apple, si elle est riche de sa marge et de ses réserves, n’est pas indéboulonnable. Ce jugement semble avoir gagné les investisseurs qui regardent de plus en plus près les stratégies et les rentabilités à terme des GAFA et de leurs petites sœurs.

Si 2016 avait été marquée par le référendum sur le Brexit, 2017 avait rassuré les pro-européens du fait des résultats des élections aux Pays-Bas et en France. L’espoir a été de courte durée du fait de la paralysie de la Chancelière allemande et du conflit entre le gouvernement italien et la Commission de Bruxelles. Pour la première fois depuis la signature du Traité de Rome, un gouvernement antieuropéen dirige un des États fondateurs. Le Général de Gaulle était fréquemment en opposition avec les autorités européennes et la conception de l’Europe qu’elles défendaient. Ainsi, lors d’une conférence de presse, le 15 mai 1962, il déclara « je ne crois pas que l’Europe puisse avoir aucune réalité vivante si elle ne comporte pas la France avec ses Français, l’Allemagne avec ses Allemands, l’Italie avec ses Italiens etc. Dante, Goethe, Chateaubriand appartiennent à toute l’Europe dans la mesure où ils étaient respectivement et éminemment italien, allemand et français. Ils n’auraient pas beaucoup servi l’Europe s’ils avaient été des apatrides et s’ils avaient pensé, écrit en quelque esperanto ou volapük intégrés… J’ai déjà dit et je le répète qu’à l’heure qu’il est, il ne peut pas y avoir d’autre Europe que celle des États, en dehors naturellement des mythes, des fictions, des parades ». À quelques mois des élections du Parlement européen, le projet d’Emmanuel Macron de relance de la construction européenne peine à trouver des soutiens. L’Europe panse toujours les plaies de l’échec constitutionnel de 2005. Face au défi des migrations, face au défi technologique et face à la vision du monde imposée par Vladimir Poutine, Donald Trump et Xi Jin Ping, l’Europe apparaît bien désunie et désarmée. Le marché financier européen reste à créer. Londres était la seule à avoir une dimension mondiale. Les autres places sont de nature régionale. La renationalisation des marchés financiers après la crise des dettes souveraines a pour conséquence que leur profondeur s’est rétrécie, cela signifie que les investisseurs européens optent soit pour des placements dans leur pays d’origine, soit pour le grand large au-delà des frontières européennes.

2019 sera cruciale pour l’Europe. Elle pourra être l’année de la refondation ou celle de la poursuite de la douce glissade. Certes, le rebond suppose que les Français abandonnent leur rêve d’une Europe Puissance sur le modèle d’un État napoléonien. Cela suppose que les Allemands acceptent l’idée d’un peu de mutualisation. Cela suppose aussi que la résurgence nationaliste ne débouche pas sur un égoïsme forcené.

 

A lire dans le Mensuel de décembre du Cercle de l’Épargne

 

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