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L’édito de Jean-Pierre Thomas, Président du Cercle de l’Épargne : « Retraite, vous avez dit retraite, comme c’est bizarre »

Les éditos du Président 7 mars 2023

L’édito de mars 2023

La retraite est devenue au fil des décennies une valeur positive. Elle est aujourd’hui sacralisée voire sanctifiée. Or, le mot « retraite » a longtemps été connoté négativement. La retraite signifie selon le dictionnaire Larousse, « l’action de se retirer de la vie active ». Associée à une période durant laquelle les femmes et les hommes n’étaient plus en capacité de travailler, de manière rentable, elle était perçue comme l’antichambre de la mort. La retraite est également synonyme de défaite, surtout pour Napoléon dont l’Empire n’a pas résisté à celle de Russie. Depuis près de quatre-vingts ans, la retraite est devenue, du moins pour ceux qui en ont les moyens et la santé, une période de liberté. Affranchis du travail, les retraités peuvent se consacrer à leur famille et à leurs loisirs. Ils sont des piliers de la vie associative et jouent un rôle clef tant pour la garde des enfants que pour l’aide à apporter aux personnes dépendantes.

En France, un large consensus s’est installé depuis des années en faveur d’un départ précoce à la retraite pour compenser le coût élevé et la durée faible du travail. Pour être compétitives, les entreprises concentrent le travail concentrer sur des actifs jeunes. Le pays a longtemps eu recours aux  préretraites permettant une rotation plus rapide des effectifs. Si ce recours aux préretraites s’est révélé sans effet sur le chômage, il s’est avéré coûteux pour l’État et les régimes sociaux. Depuis, ce système a été abandonné mais l’idée d’un départ précoce à la retraite demeure.

La situation démographique exceptionnelle qui a perduré des années 1960 aux années 2000 a contribué au maintien d’un âge bas de départ à la retraite. La France a, en effet connu un nombre limité de départs à la retraite dans les années 1980 durant lesquelles les générations creuses de l’entre deux guerres mondiales arrivaient dans la soixantaine. Au même moment, celles du baby-boom entraient sur le marché du travail. Il y avait plus de 4 cotisants pour 1 retraité. Le Président François Mitterrand pouvait alors abaisser de 65 à 60 ans l’âge de départ à la retraite sans que cela ne génère de tensions particulières. Cette mesure qui figurait parmi les 110 propositions de 1981 avait l’avantage d’alléger les dépenses de chômage et d’atténuer les problèmes d’emploi de plusieurs secteurs d’activité dont la sidérurgie. Quand des visiteurs du soir du Président l’interpellaient sur le coût à venir du passage à 60 ans de l’âge de la retraite, celui-ci aurait répondu en bon Keynésien, qu’à ce moment-là il serait mort.

Quarante ans plus après l’instauration des 60 ans devenus, en 2010, 62 ans, l’économie française doit relever plusieurs défis de grande ampleur, le vieillissement de sa population bien évidemment mais aussi la transition énergétique, et la digitalisation. Tous ces défis nécessitent de l’imagination et de la volonté. La protection sociale est un corps vivant qui doit s’adapter aux évolutions de l’économie et de la société. Le travail et les actifs en 2023 ne sont pas ceux de 1945. En près de 80 ans, l’espérance de vie à la naissance a gagné vingt ans et celle à 65 ans dix ans. Si l’entrée dans la vie professionnelle s’effectuait, en moyenne, à moins de 18 ans dans les années 1950, elle s’effectue désormais à 22 ans et 7 mois (2021). La France en 1972 comptait 40 % d’emplois dans l’industrie ; aujourd’hui plus de quatre sur cinq sont dans le tertiaire.

La façon de travailler a été bouleversé avec le digital. Pour un nombre non négligeable de salariés, travail rime désormais avec télétravail. La vie s’articule en quatre parties : une phase de près de 25 ans de formation, une phase de travail de plus de 40 ans, une phase de retraite active d’une quinzaine d’années et, pour finir, une phase susceptible de donner lieu à des problèmes de dépendance. La question centrale dans les prochaines années sera celle de remplacer les départs à la retraite. L’idée du mouvement « Fire » qui promeut la retraite le plus tôt possible est une ineptie car elle symbolise l’individualisme poussé à l’extrême. Si les Français souhaitent partir tôt à la retraite, ils aspirent, dans le même temps, à bénéficier de services de qualité, ce qui suppose des personnes disponibles pour travailler.

La question du maintien des seniors en activité est intimement lié à celle de la pénibilité. Le travail  ne doit pas être un lieu de souffrance physique et morale. L’adaptation des postes de travail en fonction des âges, la possibilité d’accéder à des formations permettant réellement d’évoluer au sein de son entreprise ou de changer de métier devraient être des priorités. Par ailleurs, le principe d’une « retraite à la carte » accessible après une certaine durée de cotisation, mérite d’être pris en compte. Certains actifs souhaitent partir tôt, d’autres plus tard. Cela devrait être possible avec l’introduction d’une modulation actuarielle des pensions ou d’une décote plus importante pour ceux qui choisissent d’anticiper leur départ. Le développement des suppléments par capitalisation pourrait compenser la baisse subie sur les pensions des régimes obligatoires. À cette fin, un dispositif d’aide en faveur des personnes à revenus modestes pourrait être imaginé sous forme de crédits d’impôts. Les branches professionnelles sont le niveau plus à même à traiter les questions liées aux départs à la retraite.

Jean-Pierre Thomas

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