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La retraite, un droit ou un contrat

Retraite 14 mars 2019

 Pour la grande majorité des Français, la retraite est un droit. Nul n’imagine être privé de sa pension. Y toucher expose à de sévères rodomontades de la part des retraités comme a pu l’expérimenter le Président de la République.

La retraite est un droit car nous avons reculé les frontières de la vie

L’espèce humaine a, en effet, depuis le milieu du XVIIIsiècle entrepris et gagné une bataille contre la mort. Sous Louis XV et cela était encore le cas sous Napoléon 1er, l’espérance de vie était inférieure à 30 ans. Cela ne signifiait pas que personne ne vivait au-delà de cet âge mais que la moyenne était de 30 ans. Le plus difficile était de survivre aux 5 premières années et, après, d’échapper aux épidémies ainsi qu’aux guerres. Près d’un tiers des enfants mouraient avant un an au XVIIIsiècle. Néanmoins, atteindre 60 ou 65 ans constituait un exploit réservé à une petite élite de la population.

La première révolution démographique s’est traduite par le recul de la mortalité infantile provoqué par l’amélioration des conditions sanitaires et par la vaccination. Le taux de mortalité infantile est descendu à 150 décès pour 1 000 naissances au milieu du XIXsiècle et 100 pour 1000 naissances en 1900. La mortalité infantile est, aujourd’hui, un phénomène marginal. Elle s’élève, en France, à 3,8 pour 1000 en 2018. Néanmoins, ce taux ne s’améliore plus depuis quelques années quand il continue de baisser chez nos partenaires. Il a même augmenté depuis 2013 (3,5 pour 1 000).

Dans cette bataille contre la mort, la vaccination et les antibiotiques ont joué un rôle primordial. Il faut également citer le développement de l’imagerie médicale, les progrès de l’analyse médicale. Dans les facteurs de cette révolution figurent, en bonne place, les progrès réalisés en matière d’alimentation qui est devenue plus riche voire trop riche. Elle s’est diversifiée permettant de mettre un terme à certaines carences. Par ailleurs, les progrès de l’hygiène avec notamment l’accès aux égouts, à l’eau courante, au chauffage ont changé considérablement la donne.

Sur un point de vue financier et social, la généralisation de la sécurité sociale, la couverture sociale s’est améliorée, de 1945 jusqu’à nos jours, permettant progressivement à la quasi-totalité de la population d’accéder à des soins de qualité.

La retraite est devenue un droit du fait de la formidable progression de la productivité

La croissance des 250 dernières années a permis tout à la fois la progression sans précédent du niveau de vie et le financement d’un important système de protection sociale qui absorbe, en France, plus de 33 % du PIB. En 2018, la consommation par ménage est trois fois plus importante qu’en 1960 au cœur des 30 Glorieuses. Les dépenses de retraite absorbent 14 % du PIB contre 5 % dans les années 50. La croissance grâce à l’augmentation de la population active et des gains de productivité a permis de multiplier par 8 le PIB depuis 1949. Ce formidable essor a rendu possible le financement des pensions.

Le droit à la retraite constitutionnellement défini

Le préambule de la Constitution de 1946 qui est devenu celui de notre Constitution actuelle, dans son 11e alinéa, souligne que la Nation « garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence ».

La loi portant réforme des retraites du 21 août 2003 dite loi Fillon a réaffirmé que la retraite par répartition est la clef de voûte de notre système de protection des vieux travailleurs.

L’article 1er indique que « la Nation réaffirme solennellement le choix de la retraite par répartition au cœur du pacte social qui unit les générations ». L’article 2 mentionne que « Tout retraité a droit à une pension en rapport avec les revenus qu’il a tirés de son activité ». L’article 3 précise que « les assurés doivent pouvoir bénéficier d’un traitement équitable au regard de la retraite, quels que soient leurs activités professionnelles passées et le ou les régimes dont ils relèvent ». Enfin l’article 4 souligne que « La Nation se fixe pour objectif d’assurer en 2008 à un salarié ayant travaillé à temps complet et disposant de la durée d’assurance nécessaire pour bénéficier du taux plein un montant total de pension lors de la liquidation au moins égal à 85 % du salaire minimum de croissance net lorsqu’il a cotisé pendant cette durée sur la base du salaire minimum de croissance ». Le fait que cet objectif chiffré n’ait pas été complètement atteint traduit bien l’absence d’un droit à une pension minimale.

La retraite est de nature contractuelle

Dans notre système de retraite, se mélangent des aspects relevant de la solidarité et des aspects de nature assurantielle. Dans la première catégorie se range le minimum vieillesse. Les pensions de base et complémentaires répondent à la logique assurantielle tout en comportant des éléments de solidarité avec par exemple le minimum contributif ou la réversion.

Les pensionnés des régimes de base, des régimes complémentaires perçoivent une pension en contrepartie d’un certain nombre d’années de labeur durant lesquelles ils ont cotisé pour financer les retraites de leurs aînés. Un contrat lie les générations entre elles. Il repose comme pour tout contrat sur la confiance. Les travailleurs cotisent en pensant qu’ils seront un jour les bénéficiaires du travail des actifs qui les remplaceront. Ce contrat est plus facile à respecter et à gérer quand le nombre de retraités est faible et quand celui des actifs augmente comme cela a été le cas entre 1950 et 2000. Le rendement des régimes par répartition est, dans un tel contexte, élevé surtout si la croissance dope la masse salariale. Ce pacte se fissure quand ces conditions se délitent. Le réflexe est alors d’estimer que le système est inefficace et injuste (plus de 70 % des ménages selon l’enquête 2018 du Cercle de l’Épargne). Les assurés mettent en avant les droits et oublient ce contrat. Certains considèrent qu’un régime par points est un régime reposant sur l’accumulation de droits futurs. Or, tout dépend de la valeur du point, de sa valorisation et de son évolution. Les régimes par points sont à cotisations définies, l’assuré connaît le montant des cotisations à acquitter mais il ne saura le montant de la pension qu’au moment de la liquidation. Il peut certes avoir une estimation à 50 ou à 55 ans mais cela n’est qu’une estimation. Elle ne bénéficie d’aucune garantie. Ce n’est qu’une photographique à une date T.

L’instauration du régime universel par points prévue par le Président de la République, Emmanuel Macron ne changera pas cette logique. Le régime demeurera un système par répartition à cotisations définies et non à prestations définies. Le rendement du régime sera toujours déterminé par la valeur d’achat et de rachat des points. Ce qui pourrait, en revanche, changer, c’est le mode de financement des éléments de solidarité associés aux actuels régimes de retraite. Le principe « un euro cotisé donne les mêmes droits pour tous » est difficilement conciliable avec les dispositifs de minimum contributif, la réversion, la prise en compte des périodes de chômage, de maladie, de congés maternité. Si les pensions restent financées par les cotisations, les mécanismes de solidarité et tous les droits indirects pourraient l’être par l’impôt. Le Fonds de Solidarité Vieillesse joue déjà, en partie, ce rôle pour le minimum vieillesse. Cette clarification est, par ailleurs, demandée depuis des années par l’OCDE et la Commission européenne, en particulier en ce qui concerne la réversion.

Une telle solution pourrait entraîner un important jeu de bonneteau. En effet, l’État, avec le régime universel, transférera le service des pensions de ses fonctionnaires au régime universel et réalisera ainsi une confortable économie (du fait que le taux virtuel de ses cotisations employeurs est de 73 % quand celui du futur régime sera, selon Jean-Paul Delevoye de 28 %). En contrepartie du transfert de charges ainsi réalisé, l’État, c’est-à-dire le contribuable national, pourrait financer, par exemple, la réversion. La question sera alors de déterminer si les dispositifs sortis de l’assurance sont plafonnés en fonction des ressources. Si c’est déjà le cas pour la réversion versée par le régime général, ce n’est pas le cas pour celle des régimes complémentaires. La mise sous condition de ressources de la réversion serait un changement de modèle. Aujourd’hui, la réversion des complémentaires obéit à une logique patrimoniale (le conjoint survivant reçoit une partie des revenus du conjoint décédé en considérant qu’il a contribué à leur formation) quand celle sous condition de ressources obéit à une logique d’assistance, fournir un revenu minimum au conjoint survivant. Cette modification est également en cours de réflexion pour l’assurance chômage avec la diminution du plafond des indemnités.

La réforme voulue par Emmanuel Macron pourrait donc s’accompagner d’une transformation profonde de la philosophie de la retraite en France. D’un côté, il y aura inscrit le droit d’avoir un minimum, un filet de sécurité, de l’autre un système proportionnel de nature contractuelle mais qui serait plafonné. Au-delà de ces deux volets, les actifs pourront accéder à des systèmes par capitalisation qui découlent également de la logique contractuelle.

A lire dans le Mensuel n°59 de Mars 2019

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